Retour sur la tournée historique d'excuses du pape pour les pensionnats au Canada


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Par La Presse Canadienne, 2024
Par une chaude journée de juillet 2022, des milliers de dignitaires, de dirigeants autochtones et de survivants des pensionnats pour enfants autochtones ont voyagé de partout au Canada vers les lieux de pow-wow du centre de l'Alberta.
Pour certains, le voyage a duré des jours. Pour d'autres, des décennies.
Ils étaient tous venus entendre les excuses du pape François pour le rôle de l'Église catholique dans les pensionnats autochtones.
Le pape François est décédé lundi au Vatican à l'âge de 88 ans.
C'est à Maskwacis, en Alberta, que le souverain pontife est entré dans l'histoire.
Il a exprimé ses regrets et sa honte pour les abus commis par certains membres de l'Église catholique, ainsi que pour la destruction culturelle et l'assimilation forcée qui ont abouti à la création des pensionnats.
«Je suis désolé, avait déclaré le pape en espagnol. Je demande humblement pardon pour le mal commis par tant de chrétiens contre les peuples autochtones.»
Certains ont applaudi. D'autres se sont tenu la tête et ont essuyé des larmes. Certains ont serré la personne à côté d'eux dans leurs bras.
Les survivants réclamaient depuis des années des excuses de l'Église. La demande s'est accrue après la découverte de milliers de tombes potentiellement anonymes sur les sites de nombreux anciens pensionnats.
On estime que 150 000 enfants autochtones ont été contraints de fréquenter des pensionnats pendant un siècle. L'Église catholique dirigeait environ 60 % de ces établissements.
Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui a enquêté sur les pensionnats au Canada, a décrit les détails horribles des abus physiques, émotionnels et sexuels infligés aux enfants autochtones.
Parmi ses appels à l'action, la commission a appelé le pape à présenter des excuses en sol canadien.
Un «pèlerinage pénitentiel»
Les excuses du souverain pontife ont été présentées au début de son «pèlerinage pénitentiel» de six jours au Canada.
À Maskwacis, en Alberta, une région où vivent quatre Premières Nations au sud d'Edmonton, une bannière rouge de 40 mètres de long flottait dans la foule, portant les noms de 4120 enfants morts dans les pensionnats.
Le premier ministre de l'époque, Justin Trudeau, était présent en compagnie de chefs et de survivants.
Le chef Wilton Littlechild, survivant et ancien commissaire de la Commission de vérité et réconciliation, a remis au pape une coiffe traditionnelle souvent réservée aux chefs des Premières Nations. Ce geste a suscité des réactions mitigées de la part de la foule et des téléspectateurs.
Le pape François a répété ses excuses à plusieurs reprises au cours de son voyage, et ses paroles ont suscité des réactions mitigées.
De nombreux autochtones ont souligné que ces excuses étaient nécessaires, en particulier pour les survivants, car elles signifiaient que le chef de l'Église catholique reconnaissait enfin les torts commis.
Certains ont critiqué le pape pour ne pas être allé assez loin. Ils ont été déçus qu'il n'ait pas nommé les crimes et les abus. D'autres ont appelé à l'action, plutôt qu'aux paroles.
Phil Fontaine, survivant et ancien chef national de l'Assemblée des Premières Nations, a passé une grande partie de sa vie à se battre pour que le pape présente des excuses au Canada.
«Sans excuses, il serait impossible de pardonner, avait mentionné M. Fontaine un an après la visite du pape. Et sans pardon, il ne peut y avoir de véritable guérison.»
Phil Fontaine s'était rendu au Vatican en 2009 pour rencontrer l'ancien pape Benoît XVI et lui demander des excuses. Benoît XVI n'a pas obtempéré.
Le survivant s'est de nouveau déplacé au Vatican avec une délégation autochtone au printemps 2022. Cette fois, le pape François a présenté ses premières excuses et promis d'apporter son expiation au Canada.
Plusieurs personnes ont affirmé que des excuses en personne au Canada étaient nécessaires à la guérison et à la réconciliation.
La visite canadienne comprenait également une messe au stade du Commonwealth d'Edmonton. Le pape François a béni et embrassé des bébés et de jeunes enfants qu'on lui tendait alors qu'il traversait le terrain de football en voiture.
Sur un lieu de pèlerinage sacré à Lac Sainte-Anne, en Alberta, le pape a participé à un office religieux, portant une écharpe métisse rouge autour du cou.
Au Québec, il a participé à diverses cérémonies et a célébré une autre messe à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré.
Un «génocide» reconnu
La dernière étape de son voyage comprenait une escale à Iqaluit, où il a rencontré des survivants. Danseurs traditionnels, joueurs de tambours et chanteurs de gorge se sont produits et ont expliqué comment ces pratiques étaient interdites dans les pensionnats.
Dans son discours, le pape François avait prononcé «Mamianaq», le mot inuktitut qui signifie «désolé».
Sur le vol de retour du pape, ce mot est devenu crucial. Interrogé par un journaliste pour savoir si les abus commis dans les pensionnats constituaient un «génocide», le souverain pontife a acquiescé.
«Enlever des enfants, changer la culture, leur mentalité, leurs traditions — changer une race, une culture entière (…) oui, j’utilise le mot génocide», a-t-il indiqué par l’intermédiaire d’un interprète.
Cet aveu a été salué par de nombreuses personnes qui avaient fait pression pour que le gouvernement canadien reconnaisse officiellement qu’un génocide avait eu lieu dans ces pensionnats.
Des mois plus tard, le Vatican a également dénoncé officiellement la doctrine de la découverte, un autre point de discorde lors de la tournée du pape.
Les bulles ou édits papaux étaient liés à l'idée que les terres colonisées étaient vides, alors que les autochtones les considéraient comme leur foyer depuis longtemps.
Des documents du gouvernement fédéral montrent qu'il a dépensé au moins 55 millions $ pour la visite du pape, dont 18 millions $ pour la Gendarmerie royale du Canada (GRC). La Conférence des évêques catholiques du Canada, qui a organisé la visite papale, a précisé avoir dépensé 18 millions $ supplémentaires.
Certains ont critiqué le coût, affirmant que l'argent aurait pu être consacré à la guérison des survivants.
Brittany Hobson, La Presse Canadienne