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Retour sur 2024: une année éprouvante pour les enfants du Québec

durée 10h00
30 décembre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

6 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

QUÉBEC — L'année 2024 a été particulièrement difficile pour les jeunes du Québec, victimes de la grève des profs et des écrans, des dérapages religieux et des abus sexuels à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

En janvier, près d'un demi-million d'élèves ont retrouvé le chemin de l'école après avoir manqué cinq semaines de classe en raison des grèves du Front commun et de la Fédération autonome de l'enseignement.

Le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a lancé une opération rattrapage de 300 millions $, pour constater quelques mois plus tard des taux d'échec importants notamment en français au secondaire.

L'écart a pu se creuser entre les élèves du public et ceux du privé, et entre les élèves forts et les élèves faibles, qui se relevaient à peine de la pandémie de COVID-19, selon le spécialiste de la réussite scolaire Égide Royer.

«Ça a été deux vagues de suite, a-t-il déploré en entrevue. Dans ce type de situations-là, c'est toujours les jeunes qui sont déjà en difficulté, ou les jeunes de milieux défavorisés, qui en subissent les impacts les plus importants.»

En début d'année, M. Drainville a par ailleurs interdit le téléphone cellulaire en classe, sauf si l'enseignant l'exige pour des travaux. L'interdiction ministérielle se limite à la salle de classe.

Écrans: une «catastrophe éducative»

La surutilisation des écrans, une «possible catastrophe sanitaire et éducative», s'est alarmé, en avril, l'ex-premier ministre français Gabriel Attal lors d'une visite dans une école de Québec en compagnie de M. Drainville.

En France, le cellulaire est interdit dans toutes les écoles primaires et les collèges depuis 2018. «On n’est pas rendus là», lui a répondu M. Drainville. «Je pense que c’est important», a aussitôt répliqué M. Attal.

Après des pressions du Parti québécois (PQ) et de sa propre aile jeunesse, le gouvernement caquiste a finalement déclenché, en septembre, une commission spéciale sur le temps d'écran des jeunes.

Plusieurs experts y ont défilé pour dénoncer le caractère addictif des grandes plateformes, qui ont des effets dévastateurs sur la santé physique et mentale des jeunes.

La psychiatre américaine Victoria Dunckley a expliqué que les écrans dérégularisent le système nerveux, désensibilisent les récepteurs de dopamine, suppriment la mélatonine et «éteignent» le lobe frontal.

Résultat: les jeunes se conduisent de façon plus «primitive», a-t-elle dit. Ils ont de la difficulté à écrire, à s'exprimer et à socialiser, a ajouté l'Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE).

Des élèves de cinq ans parlent comme des enfants de trois ans, ont signalé les directeurs d'école, ajoutant que de plus en plus d'élèves n'arrivent pas à gérer leurs émotions et se désorganisent en classe.

Le mois dernier, des écoles primaires sondées par «La Presse» se sont inquiétées du fait que les élèves sont moins autonomes; ils ont de la difficulté à attacher leur manteau, à tenir un crayon et à peler une banane.

Par ailleurs, les réseaux sociaux amènent de nouvelles préoccupations. Au primaire, des fillettes arrivent en classe avec de la crème antirides qui leur a été vantée par des influenceuses, a illustré l'AQPDE.

Il faut absolument passer à la «deuxième vitesse» pour baliser les écrans et responsabiliser tous les acteurs, y compris les grandes plateformes, a souligné le chercheur épidémiologiste français Jonathan Bernard.

La commission spéciale doit remettre son rapport au plus tard le 30 mai 2025. D'ici là, l'Institut national de santé publique du Québec recommande une plus grande «sobriété numérique».

«Entrisme religieux», clame PSPP

Comme si ce n'était pas assez, le Québec tout entier a été choqué d'apprendre, en octobre, l'existence d'un climat toxique imposé par une clique d'enseignants maghrébins à l'école primaire Bedford de Montréal.

Des filles se sont vu interdire de jouer au soccer, des enfants sur le spectre de l'autisme n'ont pas reçu de services spécialisés, tandis que les sciences et l'éducation à la sexualité étaient peu ou pas enseignées.

À la suite de l'enquête du ministère, 11 profs ont vu leur brevet d'enseignement suspendu, et le premier ministre François Legault a demandé à ses ministres de trouver des moyens de renforcer la laïcité à l'école.

Rien pour rassurer le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon, qui a dénoncé «l'entrisme religieux».

Il a décrit ce concept comme «une poignée de personnes qui prennent les commandes de toute une institution et y font régner un climat de terreur pour imposer leur religion ou leur idéologie».

M. St-Pierre Plamondon a demandé d'amender la Loi sur l'instruction publique. Celle-ci doit prévoir des sanctions claires contre tout enseignant qui ferait du prosélytisme, a ajouté la libérale Marwah Rizqy.

D'autres, comme Égide Royer, ont plaidé pour la création d'un ordre professionnel qui viendrait encadrer la profession d'enseignant, comme c'est le cas en Ontario depuis 1996.

À la suite des événements à Bedford, M. Drainville a annoncé, en novembre, qu'il dépêchait des enquêteurs dans 17 écoles où des manquements à la loi sur la laïcité ont été signalés.

Les résultats de ces enquêtes devraient être dévoilés en janvier 2025.

«Mais je peux d'ores et déjà confirmer, à la lumière des événements qui s'accumulent, que nous allons agir», a déclaré Bernard Drainville, le 6 décembre.

Il a promis de légiférer, ayant appris qu'une autre école, à Laval, qui ne figurait pas dans la liste des 17, permettait entre autres aux enfants de prier en classe.

«Nos écoles publiques (...) doivent être des lieux où les élèves peuvent apprendre et socialiser sans subir une quelconque pression liée à des croyances religieuses», a insisté le ministre.

Le gouvernement va «se battre» contre les «islamistes» qui ne respectent pas les «valeurs québécoises», n'a pu s'empêcher de renchérir M. Legault, dont le parti est à la traîne derrière le PQ dans les sondages.

Scandale sexuel à la DPJ

Autre enquête, autre situation alarmante.

«La Presse» a révélé en octobre que des éducatrices du Centre de réadaptation pour jeunes en difficultés Cité-des-Prairies, à Montréal, avaient eu des échanges sexuels avec au moins cinq résidants mineurs.

Certaines éducatrices seraient même tombées enceintes, a souligné la présidente de l'Assemblée nationale, Nathalie Roy, en ordonnant la tenue d'un débat d'urgence au Salon rouge.

Le scandale a éclaté peu après que la DPJ Mauricie-Centre-du-Québec eut été mise sous tutelle en raison des révélations concernant des enfants placés trop rapidement en banque mixte en vue d’être adoptés.

Le gouvernement n'a toujours pas nommé un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants, ni adopté une charte des droits des enfants, comme il l'avait pourtant promis, s'est insurgée la libérale Brigitte Garceau.

«Dans quelle mesure le système actuel protège bien les jeunes qui ont besoin d'être protégés?» se demande M. Royer, qui note au passage que l'Institut d'excellence en éducation, créé par la loi 23, n'a toujours pas démarré.

À son arrivée en poste, le 31 octobre, la nouvelle directrice nationale de la DPJ, Lesley Hill, s'est engagée à faire toute la lumière sur les situations rapportées et être le «chien de garde» des enfants.

Les petits Québécois ont faim, dit GND

Par ailleurs, un enfant sur cinq souffre d'insécurité alimentaire au Québec, a martelé cet automne le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

Il a présenté, le 20 octobre, une proposition de programme d'alimentation scolaire universel, pour que tous les enfants aient une chance égale de «réussir sa vie».

Les coûts annuels d'un tel programme sont évalués à 770 millions $, selon M. Nadeau-Dubois, qui, malgré son insistance, s'est buté aux refus répétés de M. Legault.

Selon le premier ministre, l'État n'a pas à fournir des repas aux enfants provenant de «familles riches».

Des enfants soldats

La dernière année aura été mouvementée, marquée aussi par le recrutement d'adolescents par des gangs criminels. Plusieurs événements violents survenus cet automne impliquent des mineurs.

À la fin de septembre, un jeune de 14 ans a été retrouvé mort près du repaire du club-école des Hells Angels à Frampton, en Beauce.

M. Legault a convenu qu'il fallait «en faire plus», après que le PQ eut déploré que «nos jeunes (...) servent littéralement de chair à canon dans le cadre d'une guerre entre des groupes criminalisés».

Caroline Plante, La Presse Canadienne

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