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Quand Guy Cormier et Fady Dagher jasent ensemble d'inclusion

durée 07h22
11 novembre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Le vent de l’Équité, la Diversité et l’Inclusion (EDI) souffle depuis plusieurs années au sein des organisations et entreprises canadiennes, mais les bourrasques conservatrices et anti-inclusion qui parcourent les États-Unis ne s’arrêtent pas à la frontière et font craindre à certains un recul des dernières avancées.

Dans les derniers mois, plusieurs entreprises ont décidé de revoir à la baisse leurs politiques d’inclusion. C’est le cas de l’entreprise québécoise Molson Coors, qui a abandonné en septembre dernier ses politiques de «diversité-équité-inclusion» pour adopter une «vision plus large».

Face à la transition socioécologique et à l'inclusion, les dirigeants doivent pourtant réinventer leurs stratégies et s'engager activement pour s’adapter à la société d’aujourd’hui et de demain. Une mission que se sont donnée le directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Fady Dagher, et le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Guy Cormier.

Tous les deux participeront à la Grande rencontre annuelle de la Maison de l’innovation sociale (MIS) qui se tiendra le 29 novembre à Montréal. L’objectif sera d'expliquer la façon dont ils ont innové au sein de leur organisation respective pour qu’elle puisse être le miroir de la société qu'elle dessert.

Pour Guy Cormier, le concept d’inclusion n’est pas nouveau et est à «la base même» du Mouvement Desjardins.

«En 1900, quand Alphonse et Dorimène Desjardins ont fondé Desjardins, c’était pour donner accès à des services d'épargne et de crédit à des gens qui n’étaient pas capables d’avoir accès à des services financiers, a expliqué en entrevue à La Presse Canadienne M. Cormier. Desjardins a toujours été de son époque et a toujours favorisé l’inclusion.»

Il se dit fier du chemin parcouru depuis son arrivée à la présidence en 2016, alors que seulement deux femmes étaient à l’époque sur le conseil d’administration sur les 24 membres. Désormais, près de 50 % de ses membres sont des femmes.

Face aux reculs de certaines entreprises canadiennes sur l’inclusion, Guy Cormier a expliqué ne pas vouloir «juger ou dire si c’est bien ou mal», mais vouloir maintenir le cap malgré les changements géopolitiques.

«Je veux essayer d’écouter et de comprendre ce qu’il y a derrière ces craintes-là, on a toujours essayé chez Desjardins d’exercer un leadership et de le faire dans l’inclusion, a-t-il expliqué. La dernière chose qu’il faut faire c’est tenir ça pour acquis et penser que c’est gagné pour toujours.»

Il se dit toutefois rassuré pour l’avenir de l’inclusion au sein du Mouvement Desjardins, qui a « toujours été de son temps et n’a pas été nécessairement au gré, de la période ou de la saveur du mois».

«Est-ce qu’on veut que Desjardins se développe en étant le reflet de la population, de ses membres et de la société dans laquelle on évolue? La réponse est oui», a ajouté Guy Cormier.

L’homme d’affaires se réjouit de pouvoir échanger avec Fady Dagher sur l’inclusion au sein de leurs organisations.

«De le faire avec Fady, c’est un message qu’on a à cœur notre ville et notre société et qu’on veut s’y engager», a indiqué M. Cormier.

«Pas l’affaire d’un homme, mais d’une équipe»

Pour le directeur du SPVM, l’EDI n’est «pas un dossier, mais une cause» qu’il a prise à cœur depuis sa prise de fonction en 2022.

«Souvent, les gens voient la diversité et l’inclusion comme un défi, voire même comme un obstacle. Moi, c’est l’inverse. Je la vois comme une richesse et une opportunité dans un monde qui est tellement complexe et où tout va très vite, a expliqué Fady Dagher à La Presse Canadienne. C’est même un handicap de s’en passer (…) être un service de police qui ne saisit pas ça en 2024, il passe totalement à côté et se déconnecte des communautés qu’il désert.»

Il s’est dit «ému» de voir qu’en 2024, près de 25 % des effectifs du SPVM sont issus des minorités visibles et ethnoculturelles. C'est aussi le cas pour 80 des 300 policiers embauchés cette année.

Le bureau de l’EDI relève désormais directement de son propre bureau et il a instauré des «systèmes sentinelles» un peu partout au sein du SPVM pour lui permettre de savoir s’il y a des enjeux de discrimination, d’exclusion ou de marginalisation des populations.

«Présentement, en tant que direction chez nous, ce sont juste des hommes et c’est sûr que d’ici la fin de mon mandat, je veux aller à la parité, a expliqué Fady Dagher. On regarde beaucoup l’évolution des carrières des femmes et des minorités visibles (…) pour comprendre pourquoi il y en a qui ne vont pas aux examens ou qui n’ont pas les promotions.»

Faisant lui-même partie d’une minorité visible, Fady Dagher a indiqué qu’il ne peut être satisfait tant que ses effectifs ne représentent pas la population qu’ils desservent.

«Je ne peux pas être satisfait complètement, mais est-ce que je suis satisfait du mouvement? Oui, mais il y a encore beaucoup de travail à faire, a-t-il ajouté. Le basculement et l'adaptation de la culture (du SPVM) vont avoir lieu. Le problème, c’est quand il y a juste 5 % ou 10 % des effectifs qui croit (en l’inclusion) (...) moi je veux atteindre du 50 % à 60 %, puis le 40 % qui ne saisit pas encore va éventuellement embarquer, car la majorité aura pris le dessus.»

Être attentif aux changements politiques

Le directeur du SPVM se dit également attentif aux changements de paradigme politique alors que le Parti conservateur du Canada est en bonne place dans les sondages pour les prochaines élections fédérales et que la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé qu’elle ne se représentera pas pour un troisième mandat.

«J’espère que les gens qui vont se présenter viendront boire un café avec le SPVM, je suis en train de regarder et d’observer et je me pose des questions aussi», a-t-il ajouté.

Il a indiqué être très attentif au programme des futures recrues tout en espérant attirer des policiers aux parcours atypiques.

«J’essaye de convaincre les gouvernements de nous laisser continuer de recruter des personnes avec des trajectoires et des origines différentes, a indiqué Fady Dagher en avouant penser déjà à «l’après-Fady». Je regarde la relève, pour qu’ils aient une approche similaire et que ça continue (mais) surtout que ça ne s'arrête pas.»

Il espère que sa participation aux côtés de Guy Cormier enverra un symbole fort à ses équipes, mais également à la population.

«Oui, on est un service de police, on fait de la répression, on a notre mission policière, mais on a aussi une mission sociale, car on fait partie des communautés et de la sphère montréalaise», a-t-il ajouté.

Quentin Dufranne, La Presse Canadienne