Préservation du patrimoine: des artisans d’ici au chevet de Notre-Dame de Paris
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — À quelques jours de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, des artisans québécois qui ont participé de près à sa reconstruction – ou qui ont essayé d’en faire partie – sonnent l’alarme sur l’importance de préserver leur savoir-faire.
Mathieu Collette a quitté son feu des Forges de Montréal pendant quelques semaines, en octobre 2022, pour guider un groupe de jeunes forgerons en Alsace, dans l’est de la France.
«Je n’aurais jamais pu imaginer faire ça, s’est-il remémoré. Ça me fait prendre conscience qu’on a encore besoin des forgerons. Pour moi, c’est une confirmation de l’importance des savoir-faire dont je suis issu».
Sur un chantier tel que celui de la cathédrale, qui est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, il n’y avait pas d’autres choix que d’engager des artisans qui maîtrisent les techniques traditionnelles afin de recréer les gestes des bâtisseurs du 12e siècle.
D’autant plus que la charte de Venise, sur les restaurations patrimoniales, prône de restaurer de tels bâtiments avec des outils de l’époque, lorsque c’est possible.
Le groupe du forgeron avait donc la mission de confectionner des haches pour le chantier de Notre-Dame de Paris, qui rouvrira ses portes au public le 7 décembre.
«On fait des outils pour les métiers traditionnels de l’architecture et du patrimoine, par exemple, les tailleurs de pierre, les maçons et les charpentiers», a expliqué le Montréalais.
«C’est comme l’écriture dans un livre. Chaque tailleur de pierre a son style d’écriture et c’est important de remettre la marque de l’outil sur le même type de pierre quand on remplace quelque chose», a-t-il détaillé.
M. Collette a appris l’art de la forge il y a près d’une trentaine d’années, auprès d’un maître forgeron nommé meilleur ouvrier de France qui lui a transmis tout son savoir. Il a été invité sur le projet de restauration de Notre-Dame de Paris par un forgeron français qui suit ses activités.
Peu d’élus sélectionnés
Deux artisans canadiens – Mathieu Collette et Nicholas Patrick, forgeron originaire de Toronto – ont participé au vaste chantier qui a pris près de cinq ans, après l’incendie qui avait détruit une partie de la cathédrale parisienne, en avril 2019.
Un autre Québécois avait tenté d’en faire partie en essayant de former une brigade de maçons afin de venir prêter main-forte en France.
Les démarches de Matthew Atwill-Morin, président-directeur général de l’entreprise à son nom, spécialiste en réfection de patrimoine, n’ont toutefois pas pu aboutir. Il s’était pourtant rendu à plusieurs reprises à Paris, où il a rencontré l’architecte responsable de la reconstruction, mais aussi le Délégué général du Québec à Paris et des entrepreneurs français.
«On a frappé une problématique économique, de structure de coûts. Nos artisans ici sont payés beaucoup plus cher qu’en France, du simple au double», a-t-il souligné.
Même s’il ne faisait «pas ça pour faire de l’argent», M. Atwill-Morin ne pouvait pas se permettre de sortir des employés de la convention collective pour travailler là-bas. Ils n’auraient alors pas pu toucher leurs fonds de pension ou leurs assurances collectives pendant cette période.
Il n’est en tout cas pas étonnant de constater que des artisans d’ici ont été appelés à intervenir sur le chantier, selon Claudine Déom, professeure agrégée à l’École d’architecture de l’Université de Montréal.
«Cela m’apparaît tout à fait attendu compte tenu de la rareté de cette expertise», a-t-elle avancé.
Un savoir menacé?
La reconstruction de la cathédrale a mis en lumière le travail des artisans, qui sont «des porteurs de savoir».
«La transmission de ce savoir est toujours menacée, parce qu’il faut avoir les conditions réunies pour que de nouvelles générations prennent la relève et, malheureusement, ces générations ne sont pas légion», a rappelé Mme Déom.
Un sentiment qui est partagé par Mathieu Collette, qui espère qu’une relève va pouvoir être formée pour continuer d’entretenir les bâtiments d’intérêt patrimonial.
«Il ne faut pas tenir pour acquis que [les métiers traditionnels sont] disponibles et qu’on va toujours les avoir. Il faut investir massivement dans la préservation de ces savoirs-là», a-t-il insisté.
«C’est important de maintenir et de préserver ces joyaux-là», a soutenu M. Atwill-Morin.
Audrey Sanikopoulos, La Presse Canadienne