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Politique nationale en soins à domicile: les attentes des aînés et du personnel

durée 04h30
22 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Le gouvernement Legault prévoit d'adopter cette année une politique nationale de soutien à domicile, entre autres pour améliorer l'accès aux soins pour les aînés. Outre d'investir les sommes nécessaires, les principales parties concernées veulent une réorganisation des soins et avoir une meilleure fluidité.

La ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a annoncé qu'elle veut présenter une politique nationale de soutien à domicile d’ici décembre 2025. Les consultations avec les organismes et les ordres professionnels ont déjà commencé.

«On s’est fait entendre dans le cadre du projet de politique nationale sur les soins et services à domicile la semaine dernière, a indiqué en entrevue Luc Mathieu, président de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). Les éléments sur lesquels on a insisté et qui sont difficiles, il y a trois choses: d’abord l’accès aux soins à domicile; la fluidité dans le processus pour y accéder; troisièmement, la formation des professionnels de la santé par rapport aux soins des personnes âgées et des soins à domicile.»

L'accès aux services de première ligne demeure un enjeu, ce que la ministre Bélanger a déjà reconnu par le passé. «C’est pour cela qu’elle avait annoncé que les CLSC allaient devenir la porte d’entrée pour tous les soins aux personnes âgées, notamment les soins à domicile. On appuie cela, car ça favorise l’accès», a mentionné M. Mathieu.

L'Association des retraitées et retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ) est du même avis. Le fait d'intégrer les CLSC comme pôles pour les soins à domicile fait partie des propositions de leur mémoire présenté à la Direction générale des aînés et des proches aidants du ministère de la Santé et des Services sociaux.

«Il va falloir que toutes les catégories de personnel qui interviennent dans les soins et services à domicile puissent avoir une synergie, un partage d’expertises, qu’ils puissent se parler entre eux. Je connais des personnes qui ont été évaluées quatre ou cinq fois par des niveaux différents. Quand on répète le même service auprès d’une personne, on décuple. On pourrait arriver au même but en faisant mieux», déplore la présidente de l'AREQ, Micheline Germain.

Elle estime que le gouvernement finance un «système dysfonctionnel» avec son approche axée vers les résidences et les centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). «Des gens sont obligés de quitter leur lieu de résidence actuel, que ce soit une maison ou un appartement, pour s’en aller dans une RPA (résidence privée pour aînés). Ils se sentent obligés de partir parce qu’ils ne reçoivent pas à leur maison ou leur résidence les services dont ils auraient besoin pour pouvoir demeurer chez eux», détaille Mme Germain.

Un investissement

D'ici 2031, les aînés de 65 ans et plus représenteront le quart de la population québécoise, soit plus de deux millions de personnes. La demande en soins de santé est donc appelée à augmenter en plus de la complexité des cas.

On estime que 73 % des personnes de 65 ans et plus souffrent d’une maladie chronique et cela grimpe à 81 % chez les 75 ans et plus. Les soins à domicile représentent une solution à plusieurs égards, à commencer par respecter la volonté d'une majorité de Québécois qui veulent vieillir dans leur maison. De plus, le maintien à domicile est nettement moins onéreux que l’hébergement et les soins hospitaliers.

«C’est le souhait de la population de demeurer à domicile le plus possible, et malheureusement ce n’est pas encore le cas. Les derniers gouvernements disent tous qu’ils ont beaucoup investi dans les soins à domicile, mais ce n’est rien comparé à ce qui a été investi dans les structures hospitalières», a fait valoir Luc Mathieu.

Mme Germain a critiqué le coût exorbitant des maisons des aînés mises de l'avant par le gouvernement Legault. «Avec l’augmentation du nombre de personnes qui va avoir plus de 65 ans d’ici quelques années, il faudrait en construire énormément des maisons des aînés. Et ça, ça coûte beaucoup plus cher que d’aider une personne à rester chez elle. Donc, il y a une meilleure utilisation des argents qui est importante. Et oui, il faut que le gouvernement investisse plus, mais le statu quo va coûter plus cher de toute façon», explique-t-elle.

La commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, évaluait en 2023 que le système de la santé répondait à seulement 10,7 % des besoins en soutien à domicile. La présidente de l'AREQ juge qu'il est crucial d'augmenter ce taux.

Utiliser les solutions déjà existantes

L'OIIQ travaillait avec d'autres partenaires du réseau de la santé pour développer une nouvelle spécialité en soins aux personnes âgées pour les infirmières cliniciennes spécialisées. «Ça permettrait de favoriser l’accès, et on sait que la ministre Bélanger est très ouverte à cela compte tenu de la courbe démographique qui augmente beaucoup et des soins plus complexes auprès des personnes âgées», a mentionné M. Mathieu.

L'un des rôles des infirmières cliniciennes spécialisées est de s'assurer que les bonnes pratiques soient intégrées dans les soins, dont les soins à domicile. M. Mathieu donne l'exemple des troubles neurocognitifs où l'infirmière clinicienne spécialisée devrait mettre en place les plans d'intervention appropriés.

«Actuellement, à bien des égards, quand les gens ont des troubles neurocognitifs, entre autres dans le milieu de soins de longue durée qui sont le domicile de plusieurs de ces personnes, au lieu de mettre des plans comportementaux en place, on va médicamenter ces personnes alors que ce n’est pas ça du tout qui serait approprié de faire», dépeint M. Mathieu.

Il a fait savoir qu'un comité d’experts ministériel en soins infirmiers travaille pour développer cette nouvelle spécialité d’infirmières cliniciennes spécialisées.

Les soins à domicile ne sont pas efficients présentement, comme le rapporte la commissaire à la santé et au bien-être. «Alors il faut augmenter la coordination et la continuité des soins, et nous, on dit qu’il y a des modèles déjà connus. Par exemple, des modèles de gestionnaire de cas ou d’intervenant pivot», soutient M. Mathieu.

Il déplore que certaines réformes de la santé aient été abandonnées au fil des ans. C'est le cas de l'approche adaptée pour les personnes âgées qui a été déployée dans le réseau dans les années 2010. «Ça serait quelque chose à réactualiser cette approche-là», affirme le président de l'OIIQ.

Il croit par ailleurs que la formation doit être bonifiée dans les soins à domicile aux personnes âgées, autant la formation en continu, dont s'occupe l'Ordre des infirmières, que la formation donnée dans les cégeps et les universités. «C’est vraiment important, on est très en retard là-dessus. Les gens ne sont pas prêts à faire face à ce qui s’en vient, à ce qui est déjà là», s'inquiète de M. Mathieu.

Il se réjouit de la future politique nationale en soutien à domicile, mais il se demande si le gouvernement se donnera les moyens de la mettre de l'avant pour réussir son virage en soins à domicile.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne

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