Pierre Poilievre dévoile ses objectifs dans une entrevue accordée à Jordan Peterson
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le chef conservateur Pierre Poilievre a accordé une longue entrevue à Jordan Peterson, un psychologue et personnalité médiatique, évoquant sa vision du Canada et la manière dont il prévoit de la mettre en œuvre.
Voici ce que nous avons appris de l'entrevue, qui a été enregistrée le 21 décembre et mise en ligne vendredi:
Des élections maintenant
Pierre Poilievre n'a aucun scrupule à ce que des élections fédérales aient lieu pendant une éventuelle course à la direction du Parti libéral. Le premier ministre Justin Trudeau fait face à des appels de plus en plus nombreux, y compris au sein de son propre caucus, à démissionner.
«Les Canadiens ne sont pas obligés — 41 millions de personnes ne sont pas obligées d'attendre que ce parti règle ses problèmes. Ces gars-là auraient pu se débarrasser de Justin Trudeau il y a un an et demi.»
Les grandes entreprises énergétiques «complètement idiotes»
M. Poilievre a reproché au secteur énergétique canadien de sembler adhérer aux politiques libérales, notamment en matière d'environnement.
«Les cinq grandes compagnies pétrolières du Canada ont des lobbyistes idiots. Elles ont des travailleurs brillants, des travailleurs incroyables, mais des lobbyistes idiots. Et ils essaient de faire la cour aux autres depuis 10 ans et n'ont rien fait pour soutenir les bonnes politiques au cours des années précédentes. Donc cela va devoir changer.»
Il considère que son opposition est communiste
Le chef conservateur a avancé que le premier ministre a gouverné avec «une idéologie extrêmement radicale» qui est «fondamentalement un socialisme autoritaire». Selon lui, le NPD aurait fait exactement la même chose s'il avait été au pouvoir.
Il a aussi soutenu que «c'est un classique pour les socialistes» d'essayer de renier ce qu'ils ont fait et de changer de nom.
«Ils étaient d'abord communistes, puis ils sont devenus socialistes, puis ils sont devenus sociaux-démocrates. (...) Ils ont volé le mot libéral, puis ils ont ruiné ce mot. Ils ont changé leur nom en progressistes, puis ils ont changé leur nom en woke. Et maintenant, ils prétendent qu'ils ne veulent plus être appelés wokes», a-t-il déclaré.
Beaucoup de terres
Pierre Poilievre a fait valoir que le manque de logements au Canada est un problème «entièrement politique» parce que le pays a une superficie terrestre très vaste.
«Cela devrait être très bon marché, car nous avons le plus de terres. Nous devons simplement nous débarrasser du gouvernement», a-t-il souligné.
«Il n'y a aucune raison physique ou géographique pour que le Canada ait du mal à offrir aux gens de grandes opportunités d'accession à la propriété et de formation de famille.»
Il ne modérera pas
M. Poilievre a assuré qu'il n'essaierait pas de déplacer ses politiques vers le centre ou la gauche, affirmant que cela ne mènerait qu'à de mauvais résultats et que c'est «l'erreur que les partis conservateurs du monde entier ont commise d'innombrables fois».
«La tentation existe-t-elle de tenter de s’attaquer aux politiques des socialistes à court terme ? Bien sûr, mais c’est une tentation à laquelle je résisterai farouchement, car je sais que d’ici la quatrième année de mon mandat, les gens seront enragés, car leur vie sera encore pire.»
Il a également affirmé qu’il se concentrerait sur les problèmes auxquels font face les familles canadiennes plutôt que de s’attaquer aux problèmes à l’échelle mondiale.
«Les gens en ont assez de la grandiloquence», a-t-il avancé, rejetant «cet horrible wokisme utopique» qui sert «des personnalités égoïstes au sommet» au lieu «des gens ordinaires».
Le Canada d'abord
«Nous ne nous intéressons pas aux conflits ethnoculturels du monde», a indiqué M. Poilievre, louant le multiculturalisme, mais affirmant que les gens qui viennent au Canada doivent laisser leurs bagages dans leur pays d’origine.
«La plupart des gens viennent ici pour échapper à ces choses-là. Donc, en revenant à un sens commun des valeurs et de l'identité, et en rappelant aux gens qu'ils sont (...) quand ils arrivent ici, ils sont d'abord Canadiens. Le Canada d'abord. Laissez tomber les traits d'union ; nous n'avons pas besoin d'être une société à traits d'union.»
Il a exhorté les Canadiens à «mettre de côté la race, cette obsession pour la race que le wokisme a réintroduite.»
M. Poilevre a également fait écho aux commentaires qu'il avait faits précédemment lorsqu'on l'a interrogé sur les événements de la Fierté, en disant qu'il voulait que les gens soient «jugés sur la base de leur caractère individuel et de leur humanité, plutôt que sur leur identité de groupe.»
Son plan pour faire croître l'économie
«Nous allons réduire la bureaucratie, réduire le nombre de consultants, réduire l'aide étrangère, réduire les aides sociales aux grandes entreprises. Nous allons utiliser les économies pour réduire le déficit et les impôts et libérer le système de libre entreprise», a promis M. Poilievre.
Il prévoit de sabrer dans la réforme de la réglementation des mégaprojets des libéraux «pour provoquer un boom massif des ressources dans notre pays» et générer suffisamment d'électricité pour alimenter les centres de données.
«Nous allons rétablir une discipline monétaire pour faire baisser l'inflation (et) arrêter l'impression de monnaie», a-t-il déclaré, faisant valoir que, comme le Parlement ne vote pas sur l'impression de monnaie, «l'inflation est adoptée en secret».
La Banque du Canada a réfuté les allégations selon lesquelles elle imprime de l'argent pour financer le gouvernement fédéral. Elle a déclaré que l'achat d'obligations avait fait baisser les taux d'intérêt pour que les gens puissent résister à la pandémie de COVID-19, et que cela n'impliquait pas d'imprimer de l'argent.
Il énumère ses vedettes
Lorsqu'on lui a demandé d'énumérer «les personnes qui seront essentielles» dans un gouvernement Poilievre, il a cité quatre députés de son premier banc.
L'ancien chef et président de la Chambre, Andrew Scheer, qui peut naviguer dans les «manœuvres procédurales» au Parlement.
La critique en matière d'infrastructures, Leslyn Lewis, qu'il a félicitée pour son travail dans ce dossier. Elle s'est présentée à la direction du parti contre Pierre Poilievre et a soutenu une pétition demandant au Canada de se retirer des Nations Unies.
«Des nouveaux venus comme Jamil Jivani», un ancien animateur de radio qui a une relation directe avec le vice-président élu des États-Unis, JD Vance.
La chef adjointe, Melissa Landsman, qui est «extrêmement appréciée à Toronto (et) très connue dans tout le pays».
Une forme de répression
Le conservateur a promis «la plus grande répression contre la criminalité de l'histoire canadienne, une répression massive», mais n'a pas donné de détails lorsque Jordan Peterson a demandé ce que cela signifiait, à part dire que «les délinquants habituels ne sortiront plus de prison».
Peterson est un défenseur de la liberté d'expression
Jordan Peterson a été obligé par l'Ordre des psychologues de l'Ontario de suivre un programme de coaching correctif après une conduite sur les médias sociaux que l'Ordre a jugée dégradante et présentant un risque pour le public.
M. Peterson a perdu trois tentatives d'appel de la décision de 2022, affirmant que sa liberté d'expression avait été entravée. Ses publications sur X comprenaient une référence à un conseiller municipal non binaire comme étant une «chose moralisatrice pharisaïque épouvantable» et affirmant qu'«aucune tolérance autoritaire» ne pouvait le faire considérer un mannequin grande taille comme beau.
M. Poilievre a remercié Jordan Peterson pour son «immense courage» à défendre ses convictions.
«Vous avez eu une colonne vertébrale d'acier, et il y a d'innombrables autres personnes qui auront la liberté de s'exprimer parce que vous avez payé le prix pour elles.»
Plus fort qu'hier
Lorsqu'on lui a demandé comment il avait changé depuis qu'il est devenu chef conservateur à l'automne 2022, Pierre Poilievre a mentionné qu'il avait appris à «encaisser les coups» tout en s'attaquant aux «intérêts particuliers» à travers le Canada.
«Je dirais que je suis plus coriace, a-t-il avancé. J'ai résisté à ces coups et, par conséquent, je me sens plus fort maintenant.»
Une opposition de ses rivaux politiques
Les libéraux et le NPD ont réagi à l'entrevue en dénonçant le fait que l'épisode de baladodiffusion de Jordan Peterson avait reçu le soutien d'un groupe chrétien antiavortement basé en Indiana qui cherche à protéger les bébés «à naître».
L'entrevue de vendredi comprend une publicité du groupe PreBorn, qui cherche à recueillir des dons. Elle raconte l'histoire d'une femme qui a essayé de commander une pilule abortive, mais elle n'est jamais arrivée «par la volonté de Dieu» et le groupe l'a finalement convaincue d'accoucher.
«Les conservateurs et Jordan Peterson s'attaquent aux droits des femmes», a déclaré le chef du NPD, Jagmeet Singh, dans un message sur X qui se concentrait sur la publicité, mais ne disait rien sur l'entrevue elle-même.
Le parti libéral a également publié un message sur la participation de M. Poilievre à «un balado commandité par un groupe antiavortement».
L'avortement n'a pas été évoqué lors de l'entrevue.
Dylan Robertson, La Presse Canadienne