Partielle dans Arthabaska: portrait des personnes derrière les bannières politiques


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Par La Presse Canadienne, 2025
VICTORIAVILLE — Qui sont les hommes et les femmes derrière les bannières partisanes qui cherchent à séduire les quelque 63 000 électeurs d’Arthabaska lors de la partielle du 11 août?
La Presse Canadienne est allée à leur rencontre avec l’intention de parler aux personnes et non aux politiciens à l’approche du scrutin. Nous vous les présentons dans l’ordre que nous les avons rencontrés, établi au hasard des disponibilités de chacun et chacune. La seule concession faite à la politique sera de leur demander d’identifier une priorité pour le comté.
Chantal Marchand, PLQ: la doyenne sensible
Nous retrouvons d’abord dans un café de Victoriaville la libérale Chantale Marchand, qui est levée depuis 6h30, une femme de 59 ans pour qui être modérée signifie «plus travailler que critiquer».
«Je suis la plus vieille des candidats dans la circonscription, affirme-t-elle sans hésitation. On dirait que j'ai comme l'impression de peut-être être celle qui va dire: "Hey, on se calme, on peut-tu parler des vrais enjeux? On peut-tu revenir à l'essentiel?"». Le socle de son engagement, ce sont «des valeurs d'équité sociale, des valeurs de bienveillance».
Grand-maman, elle doit composer avec le fait de moins voir sa petite fille, mais son fils était venu la voir au local de campagne la veille «parce qu’il sentait que grand-maman s'ennuyait de son petit bébé». Côté couple, «avant de m'embarquer, la chose qui était la plus importante, c'était d'avoir l'accord de mon mari. Je n'embarquais pas s'il n'était pas là.»
Quand vient le temps d’identifier une priorité, la santé s’impose. «On est le comté où il y a le plus de gens qui n'ont pas accès à un médecin de famille. Il y a 8000 personnes qui n'ont pas d'accès à un médecin de famille.»
Puis elle ajoute la santé mentale et tout à coup, sans crier gare, son visage se défait. Des larmes apparaissent. L’explication, bouleversante, vient aussitôt. «Ma fille est décédée. Elle s'est suicidée il y a trois ans. Et si je peux faire quelque chose pour qu'il y en ait de moins en moins, ça va faire partie de mon… Je suis désolée», dit-elle sans finir sa phrase que l’on comprend quand même.
Son sourire contagieux revient rapidement et elle nous accorde la permission de rapporter le tout, avertissant que «je ne veux surtout pas faire pitié». Nous l’assurons que ce ne sera pas le cas.
Alex Boissonneault, PQ: un passé réglé
Nous faisons ensuite route vers Princeville pour rencontrer le péquiste Alex Boissonneault dans un parc à l’ombre des deux clochers de la magnifique église Saint-Eusèbe. L’ex-journaliste estime qu’à 46 ans, «c'est un bon âge quand même pour le faire», dit-il en parlant de sa décision de changer de côté du micro qu’il tenait jusque-là.
«Je pense à mes enfants quand je fais ça. J'ai quatre enfants, je pense à leur avenir, qu'est-ce que je veux leur donner, qu'est-ce je veux laisser comme modèle aussi.» Il se dit inquiet pour eux, particulièrement en matière d'accès à la propriété, une question d’équité intergénérationnelle selon lui, mais aussi en matière de protection de la culture française.
La conciliation travail-famille «ça, c'est difficile. Je ne mentirai pas. Une chance que j'ai mon épouse, c’est vraiment un travail d'équipe. En campagne, je suis sur le terrain tous les jours, puis elle doit tenir le fort et elle travaille aussi.»
Il s’attendait à ce que l’on ressasse son passé dans la cellule radicale Germinal qui avait comploté dans le but de faire une brèche dans la clôture du sommet des Amériques, à Québec, il y a près d’un quart de siècle, mais «quand ça ressort, honnêtement dans la grande majorité des cas, c'est pour dire que les gens n'aiment pas le salissage et n'aiment pas qu'on aille fouiller le passé pour trouver des problèmes».
Le vétuste hôpital Hôtel-Dieu d’Arthabaska est rapidement soulevé comme priorité, mais il s’inscrit dans une perspective plus large des services, «le contrat social», précise-t-il. «Il y a beaucoup de gens qui sentent qu'ils n'en ont pas pour leur argent. C'est ça le contrat. On paie des impôts, on paie les taxes, on s'attend à ce que l'État nous donne des services. Et en ce moment, on a l'impression que ça ne fonctionne pas.»
Éric Duhaime, PCQ: l'amour de Mia
De là, en route pour Saint-Louis-de-Blandford pour rencontrer Éric Duhaime, 56 ans, qui nous reçoit au restaurant-dépanneur Rioux, une station-service en bordure de l’autoroute 20. Difficile de trouver plus symbolique pour rencontrer un homme souvent décrit comme populiste.
Le chef du Parti conservateur du Québec sait pertinemment qu’il est un paratonnerre qui attire la foudre sous forme d’attaques souvent très dures. «J'ai l'habitude, vous savez. Je ne suis pas la personnalité la moins controversée, disons-le comme ça. Au début ça nous affecte parce qu'on le prend au premier degré, comme si c'était personnel, mais avec les années, on finit par développer une espèce de carapace quand on réalise qu’ils s'attaquent à une personne qu'ils ne connaissent pas. Ça m'a déjà affecté, mais ça m'affecte de moins en moins.»
Pour lui, la conciliation travail-famille est aussi «très difficile», mais on s’étonne d’apprendre qu’il s’ennuie davantage de son chien que de son conjoint, ce qu'il explique aussitôt par le fait que celui-ci vient le visiter souvent, alors que la belle Mia est en pension chez ses parents pour la durée de la campagne. «Quand je cogne aux portes et qu'ils ont des chiens, les gens se demandent pourquoi je caresse plus leurs chiens!», s'esclaffe-t-il.
Ses parents, puisqu’il en est question, se préoccupent peu de politique, mais beaucoup de la santé de leur fils qui a subi une crise cardiaque en décembre dernier. Ce signal de son corps lui a fait prendre une pause et un pas de recul. «Il faut être capable de lâcher prise, puis de laisser aller», dit-il en parlant de sa tendance à la micro-gestion.
Premier chef conservateur ouvertement homosexuel au Canada, il dit n’avoir jamais fait l’objet de propos homophobes. «On a la chance au Québec d'être une des – sinon la – société la plus ouverte au monde. Les Québécois ont bien des défauts, mais ils ne sont certainement pas intolérants.»
Quant à sa priorité pour le comté, le chef de parti n’arrive pas à s’éloigner d’un enjeu provincial. «La question de l'urne, c’est le prix de l'essence», dit celui qui veut annuler la taxe carbone. Il faut vraiment insister pour le ramener à un enjeu local qui sera, là aussi, l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska.
Keven Brasseur, CAQ: gentleman de la politique
De retour à Victoriaville, nous nous dirigeons vers le local électoral du caquiste Keven Brasseur, où se trouve également sa mère. «Aujourd'hui, c'est sa fête. On va souper ensemble ce soir pour sa fête. Mon père aussi est venu m'aider pour mes pancartes électorales. C’est sûr que je les vois un peu moins avec la campagne», explique-t-il, avant de nous emmener au parc Jean-Béliveau pour nous parler sous l’œil bienveillant de la statue du «Gros Bill», glorieux capitaine de la Sainte-Flanelle.
À 29 ans, il est le plus jeune candidat aspirant au siège d’Arthabaska. Quand il a fait part de ses intentions à ses parents, «mon père m'a dit: "tu sais Keven, c'est ingrat. Les gens, peu importe, vont être fâchés après le politique". Je disais: "papa, j’ai le goût de faire une différence». La pire des choses qui peut arriver, c'est que je ressorte de là le cœur brisé, mais avec la conviction qu'à tous les jours, j'ai voulu faire une différence.»
Bien qu’il ait été jusqu’à tout récemment président de la Chambre de commerce locale, ses racines sont modestes. «Je viens d'une famille – quand même, on s'est toujours débrouillé – mais on n'était pas riches. Je suis né sur une ferme de veaux de lait. Mes parents avaient ça quand on était jeunes. Mon père a vendu en 2010, mais toute mon adolescence, mes premiers emplois, c'était corder du foin, s'occuper des vaches, faire de l'érochage, ramasser des roches dans les champs», prend-il soin d’expliquer.
Célibataire sans enfant, le problème de conciliation travail-famille ne se pose pas vraiment… pour l’instant. «Je veux fonder une famille. Je veux rencontrer quelqu'un, m'établir ici, fonder une famille dans la région ici.»
Lui aussi place l’Hôtel-Dieu au sommet de ses priorités, sauf que lorsqu’il fait son porte-à-porte, «beaucoup de gens me disent que leur inquiétude, c'est de savoir qui peut battre Éric Duhaime. Ça va être ça la question de l'urne, à mon avis.» Ça ne l’a pas empêché de se faire entremetteur politique: «Quand Éric Duhaime est arrivé, je lui ai dit "Éric, je vais te présenter à Chantal (Marchand)". Je trouve qu'en politique, c'est important d'être un gentleman. C'est tellement difficile, faire de la politique aujourd'hui, qu'il faut qu'on se respecte.»
Pascale Fortin, QS: la fausse politicienne
Il faudra attendre la fin de la journée pour rencontrer dans un autre café Pascale Fortin, porte-étendard de Québec solidaire, puisqu’elle travaille toujours à temps plein malgré la campagne électorale.
«Moi, je ne suis pas une vraie politicienne», dit en riant la candidate de 37 ans qui explique sa présence en politique par son travail d’infirmière où «j’ai vu qu'il y a plein de problèmes» et que sa capacité de changer les choses était limitée. «Je le sais que je peux aider, je le sais que je suis bonne pour faire ça, mais pas parce que j'aspire à quoi que ce soit», prend-elle soin de préciser.
Sa campagne s’inscrit d’ailleurs dans son vécu. «Quand je parle au monde, je suis l'infirmière, la mère de famille, je fais l'épicerie, comme tout le monde. Mais j'adore ça, la politique. Ça m'a fait apprendre plein de choses quand même, sur moi, beaucoup.»
Avec son fils de 12 ans et celui de 17 ans de son conjoint, elle est sans doute celle pour qui la conciliation travail-famille est la plus exigeante puisqu’elle n’a pas laissé son boulot pour faire campagne. «J'ai de la chance, dit-elle. Mon mari est chef corporatif. Il n’est pas politique du tout et il m'a dit qu’il allait encore plus s'occuper de la bouffe. C'est sa contribution à ma campagne. C'est déjà beaucoup pour moi», dit-elle en prenant soin d’ajouter qu’elle n’a pas déserté complètement la cuisine pour autant.
Évidemment, son temps de porte-à-porte est restreint et il lui arrive, comme porte-étendard du parti le plus à gauche, de rencontrer de l’hostilité. «Il y a un parti en particulier que, si on aborde les personnes qui sont pour ce parti-là, c’est non, non, non. Il y a une agressivité et ça, je trouve ça dur», dit-elle en confirmant que ce parti-dont-on-ne-peut-prononcer-le-nom est évidemment le Parti conservateur. «Je trouve ça dommage parce que je pense qu'on peut se parler, qu’on est des humains et qu’on veut tous les mêmes choses dans la vie: être en sécurité, avoir de la bouffe, avoir un toit.» C’est d’ailleurs cette priorité qu’elle identifie, celle du logement trop rare et trop cher.
Cinq autres candidats seront sur les bulletins de vote, mais il serait étonnant qu'ils aient un impact sur le résultat final. Ce sera par ailleurs la dernière fois qu’il y aura une élection dans Arthabaska. La circonscription deviendra Arthabaska-l’Érable à la prochaine élection générale, prévue à l’automne 2026.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne