Ottawa: des mesures pour protéger l’environnement risquent de ne jamais voir le jour
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Alors que les partis d’opposition se disent prêts à faire tomber le gouvernement à tout moment à Ottawa, certaines mesures phares que le ministre de l'Environnement souhaitait mettre en place pour protéger l’environnement risquent de ne jamais voir le jour, et d’autres pourraient disparaître.
Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a quelques chantiers importants prévus dans les prochains mois.
Mais le déclenchement d’élections, qui pourrait survenir plus tôt que tard, risque de compromettre ces initiatives.
Le règlement sur le plafond d’émissions du secteur pétrolier et gazier, dont l'adoption est prévue au printemps, l'inclusion de nouvelles cibles dans le règlement sur les émissions de méthane, prévue l’été prochain, certains projets d’aires protégées et de nouveaux règlements sur les polluants éternels (PFAS) sont tout autant de projets qui risquent de ne jamais voir le jour.
«Ça ne va jamais assez vite à mon goût», s'est désolé le ministre fédéral de l’Environnement dans une entrevue de fin d’année avec La Presse Canadienne.
Un lent processus
La lenteur des processus d’adoption des règlements et des lois est la partie du travail du ministre qui a été le «plus difficile» en 2024.
Le ministre Guilbeault a expliqué qu’il aimerait «voir les projets de conservation aller plus vite», que «l’on puisse en faire plus» dans «la lutte à la pollution plastique et dans celle contre les changements climatiques», mais que «dans une démocratie comme la nôtre, chaque fois que je veux faire un règlement, j'ai des obligations constitutionnelles de consulter les provinces, les territoires, les Autochtones».
Il a ajouté qu’il n’a pas l’obligation de consulter «les experts, les ONG et les syndicats, mais que c'est quand même la bonne chose à faire».
«Si j'essayais d'aller plus vite que ça, je me ferais dire par les uns et les autres que je ne respecte pas mes obligations constitutionnelles. Et, comme vous le savez, à peu près tout ce que je fais est contesté devant les tribunaux, alors je donnerais des munitions à certains de mes adversaires.»
Depuis le début de son mandat, le ministre Guilbeault a en effet dû faire face à plusieurs bourrasques provenant surtout de l’ouest du pays.
Par exemple, l’industrie du plastique, regroupée sous la Coalition pour une utilisation responsable du plastique, tente de faire annuler le décret interdisant les plastiques à usage unique.
La première ministre de l’Alberta, Daniele Smith, a récemment menacé de lancer des contestations judiciaires contre la réglementation sur l’électricité propre et aussi contre celle sur le plafond des émissions.
Dans la dernière année, le gouvernement de la Saskatchewan a également déposé une demande d'injonction pour empêcher l'Agence du revenu du Canada (ARC) de prélever les montants dus par la province en raison de la tarification fédérale sur le carbone.
Des principes de non-régression
Le déclenchement probable d’élections ne met pas seulement en péril les mesures de protection de l’environnement que le ministre souhaitait mettre en place dans les prochains mois.
Les conservateurs, qui mènent largement dans les sondages, promettent notamment d’abolir la tarification carbone, la norme sur les carburants propres et le plafond sur les émissions du secteur pétrogazier, des politiques phares du gouvernement Trudeau pour tenter de diminuer les gaz à effet de serre du pays.
«On ne peut pas empêcher les gouvernements subséquents de défaire les choses qu'on a faites. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne en démocratie», a répondu le ministre Guilbeault lorsque La Presse Canadienne lui a demandé s'il croyait que ses principales politiques climatiques pourraient survivre à un changement de gouvernement.
«Toutefois, il y a des mécanismes qu’on peut mettre en place pour rendre plus difficile» l'abolition de mesures de protection de l’environnement.
Le ministre a donné l’exemple de la nouvelle mouture de la loi canadienne sur la protection de l'environnement.
«On y a inséré des éléments qu'on appelle des principes de non-régression.»
Le principe de non-régression fait référence à des dispositions législatives qui rendent obligatoire «que les niveaux actuels de protection soient maintenus», a expliqué Steven Guilbeault.
«Alors, si un gouvernement défait un règlement, il faut qu’il démontre qu’il va le remplacer par un règlement» qui va permettre de garder le même niveau de protection de l’environnement, ou alors l’améliorer.
Des «mécanismes semblables» sont également dans la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, a expliqué le ministre Guilbeault.
Cette loi stipule que le gouvernement fédéral doit publier, tous les cinq ans, des plans de réduction des émissions, ainsi que des cibles pour respecter l’Accord de Paris.
Mais rien n’empêcherait un éventuel gouvernement de sortir de l’Accord de Paris ou alors de changer la loi.
«Mais défaire une loi, c’est aussi compliqué qu’en faire une», a souligné le ministre de l’Environnement.
Stéphane Blais, La Presse Canadienne