Nouveau centre d'expertise sur les maladies rares au CHU Sainte-Justine


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Le CHU Sainte-Justine a annoncé mercredi la création du Centre d'expertise sur les maladies rares médiées par le complément, le premier centre en son genre au Canada.
Le projet est présenté comme une «initiative de recherche translationnelle visant à transformer la compréhension, le diagnostic et le traitement de ces maladies».
«C'est vraiment une première pour le système de santé canadien», a dit la docteure Alexandra Cambier, qui est médecin chercheuse et responsable du laboratoire de recherche translationnelle au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine.
«On va permettre aux professionnels de la santé de partout au pays d'accéder à un diagnostic, à de la recherche, à des tests diagnostics autour du complément. (...) On va vraiment permettre aux patients atteints d'une maladie médiée par le complément d'avoir un centre qui va centraliser tout ça.»
Les maladies médiées par le complément sont des troubles où le système immunitaire, en particulier les protéines du complément, attaque par erreur les cellules saines du corps.
«Il y a plus de 30 protéines dans ce réseau, a expliqué la docteure Cambier. Mais elles ne sont pas activées en permanence, elles attendent un signal d'alerte. (...) Il y a des systèmes de régulation qui empêchent notre complément de s'activer, on a des molécules qui disent non, il y a pas d'intrus. Et quand ça fonctionne bien, c'est super.»
Mais si ça cesse de bien fonctionner et que ces protéines deviennent trop actives ou dysfonctionnelles, elles peuvent causer des maladies. Ces dernières peuvent à leur tour entraîner des inflammations et des dommages aux organes, nécessitant des traitements pour réguler l'activité du complément et protéger les cellules saines.
Les maladies médiées par le complément sont donc souvent des maladies rares qui posent de nombreux enjeux de santé. Le diagnostic est fréquemment long et complexe, et les options thérapeutiques limitées.
Mais le complément n'est pas mis en cause seulement en présence d'une maladie rare, a rappelé la docteure Cambier.
«De plus en plus on se rend compte qu'il y a des maladies beaucoup moins rares, des maladies neurodégénératives comme l'alzheimer pour lesquelles on a des pistes, a-t-elle dit. Possiblement que le système du complément est aussi dérégulé dans ce genre de maladie.»
On ne peut donc pas exclure, a ajouté la docteure Cambier, qu'on puisse un jour «traiter des maladies beaucoup plus courantes qu'on ne pense avec les anti-compléments».
Les responsables du projet expliquent que le nouveau centre d'expertise permettra notamment, d'ici quelques années, le développement et la production de tests diagnostiques et de suivis plus performants; un accès centralisé et simplifié de demande de tests à la fine pointe des avancées technologiques grâce à un arrimage entre recherche et clinique; et un programme de recherche dédié visant à faire progresser la compréhension et les connaissances sur ces maladies rares, en vue de développer des approches diagnostiques et thérapeutiques de précision.
«Il y a plein de tests qu'habituellement on envoie soit à Vancouver, soit en France, soit aux États-Unis, a dit la docteure Cambier. Et bien maintenant, ces tests, on va être capable de les faire au Canada. On va vraiment avoir une panoplie d'experts sous une même structure et on va éliminer ce besoin d'envoyer les échantillons aux États-Unis ou en Europe, donc un processus qui est coûteux et puis qui retarde aussi l'obtention des résultats, donc ça c'est hyper intéressant.»
On doit parfois patienter trois mois pour obtenir les résultats de certains tests, a-t-elle ajouté, tandis que d'autres ne sont tout simplement pas disponibles. Il est pourtant primordial d'obtenir les résultats le plus rapidement possible, a dit la docteure Cambier, parce que ces maladies peuvent causer des dommages importants, voire entraîner la mort, si elles ne sont pas prises en charge le plus tôt possible.
L'infrastructure du Centre d'expertise, a-t-on expliqué par voie de communiqué, soutiendra la prise en charge des patients atteints de maladies rares, tout en contribuant à l'éducation et à la sensibilisation dans ce domaine.
«Ce qu'on veut aussi développer ici, c'est que vous puissiez toujours avoir un référent en clinique du complément qui va vous aider sur la prise en charge (du patient)», a complété la docteure Cambier.
La docteure Cambier a été l'instigatrice du projet, en partenariat avec la docteure Anne-Laure Lapeyraque, une experte en maladies rares et en médecine de précision, et Arnaud Bonnefoy, un spécialiste en hémostase et complément et le responsable du développement scientifique du laboratoire clinique d'hémostase.
Le projet annoncé mercredi représente un premier investissement de 749 223 $ auquel ont également contribué Alexion Canada, la Fondation canadienne du rein et la Fondation CHU Sainte-Justine. Il comprend aussi un octroi de 149 770 $ du Consortium québécois sur la découverte du médicament, rendu possible grâce à une subvention du gouvernement du Québec.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne