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«Loup solitaire» du Nouveau-Brunswick: Blaine Higgs brigue un troisième mandat

durée 12h40
18 octobre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

FREDERICTON — Les deux dernières années n’ont pas été faciles pour le chef progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, mais il a fait preuve de résilience.

Confronté à une mutinerie au sein de son propre parti au sujet de son style de leadership, il a riposté et a survécu à une tentative de le destituer de son poste de chef. Lorsque des ministres ont publiquement fait preuve de dissidence face au caucus, il les a remplacés.

Le chef conservateur a eu des querelles publiques depuis 2022 avec au moins 12 membres du caucus, qui ont choisi de ne pas se présenter à cette élection. Il est tout de même sorti des turbulences avec une liste complète de 49 candidats à présenter aux électeurs – et les sondages indiquent que la course est serrée.

Il a décidément amené son parti plus à droite, en particulier sur les questions sociales. Parmi sa courte liste de promesses de campagne – il n’y en a que 11 – figure l’engagement de rejeter toutes les nouvelles demandes de sites d’injection supervisée de drogues, de forcer les personnes gravement dépendantes à suivre un traitement et de «respecter les parents». C’est ce dernier thème électoral qui lui a causé le plus de controverses.

Sa décision de 2023 d'obliger les enseignants à obtenir le consentement des parents avant de pouvoir utiliser les prénoms et les pronoms préférés des enfants transgenres de moins de 16 ans a provoqué un tollé dans tout le pays, mais elle reste populaire au Nouveau-Brunswick. Avec six budgets équilibrés et une promesse de réduction des impôts, M. Higgs fait également campagne sur le thème traditionnellement conservateur de la famille.

«Un loup solitaire»

Le chef conservateur ne semble pas se soucier de ce que pensent les sceptiques.

J.P. Lewis, professeur de sciences politiques à l'Université du Nouveau-Brunswick à Saint John, estime que M. Higgs est «un peu un loup solitaire».

Le premier ministre de 70 ans a commencé sa carrière chez Irving Oil, une semaine après avoir obtenu son diplôme de l'Université du Nouveau-Brunswick en génie mécanique en 1977. Il a pris sa retraite d'Irving en 2010 en tant que directeur de la logistique et de la distribution et a été élu cette année-là. C'est à ce moment où il a commencé à servir comme ministre des Finances dans le gouvernement progressiste-conservateur de David Alward.

M. Higgs a été élu chef conservateur en 2016 et est premier ministre depuis 2018.

Le camp progressiste-conservateur n'a pas répondu à une demande d'entrevue avec M. Higgs ou l'un de ses candidats.

Le professeur Lewis décrit M. Higgs comme un politicien qui «n'est pas très scénarisé», quelqu'un qui «pense à voix haute et ces pensées peuvent lui causer des ennuis politiques».

Depuis quelques années, le premier ministre a eu sa part d'ennuis.

Outre les conflits internes au caucus, il est en conflit permanent avec les dirigeants autochtones de la province. Ils l'ont accusé, lui et son parti, d'être insensible à leurs préoccupations, notamment concernant le refus du gouvernement de tenir une enquête publique sur le racisme systémique auquel sont confrontées les Premières Nations. De plus, les six chefs de la nation Wolastoqey poursuivent la province au sujet des titres et des droits issus de traités.

L'une des promesses du parti est de «défendre la propriété foncière». Il est expliqué dans la plateforme électorale que «le gouvernement provincial est poursuivi pour faire valoir le titre autochtone sur l'ensemble de la province [...] nous défendrons les propriétaires fonciers devant les tribunaux».

Il y a aussi la population francophone de la province, qui se méfie des progressistes-conservateurs. Les francophones se sont vivement opposés à la tentative du gouvernement Higgs de réformer l'enseignement bilingue dans les écoles anglophones. Et la décision de M. Higgs de confier le portefeuille de la sécurité publique à Kris Austin, un ancien ardent critique du bilinguisme officiel, n'a pas amélioré les relations.

Lors des élections de 2020, les conservateurs ont perdu leur seul siège dans la région francophone du nord de la province, délimitant une nette division sur la carte électorale avec une majorité bleue, progressiste-conservatrice au sud, et une majorité libérale au nord.

Interrogé sur les relations de son gouvernement avec la minorité francophone, M. Higgs a esquivé la question: «Je dirais que 42 % de nos dépenses en infrastructures ont été placées dans des circonscriptions francophones», a-t-il soutenu lors d'une récente conférence de presse.

Et, comme au cours des dernières années tumultueuses, le chemin parcouru par les conservateurs jusqu'aux élections qui auront lieu lundi n'a pas été sans controverse. Le 19 septembre, le jour où il a lancé sa campagne, M. Higgs a fait une blague déplacée sur la mort d’un électeur libéral.

Plus tard, Sherry Wilson, la ministre sortante responsable de l’égalité des femmes et candidate dans Albert-Riverview, a suggéré que le traumatisme subi par les peuples autochtones dans le système des pensionnats indiens était similaire à la frustration ressentie par les parents lorsqu’on ne leur dit pas quand leur enfant remet en question son identité de genre.

Un jugement sur le leadership

Si les conservateurs sont réélus, estime M. Lewis, ce pourrait être considéré comme une approbation des politiques de M. Higgs et de la direction qu’il prend pour son parti.

Lors des élections de 2018, il a déclaré que M. Higgs avait «réussi» de justesse, lorsque 22 conservateurs ont été soutenus par trois membres de l’Alliance des Gens pour obtenir une majorité dans l’Assemblée législative de 49 sièges. En 2020, le premier ministre Higgs a déclenché des élections anticipées et les électeurs ont jugé le premier ministre et son parti principalement pour la façon dont ils ont géré la pandémie de COVID-19, a ajouté M. Lewis.

«Je pense que cette élection est un bon test pour savoir ce que les gens pensent de son leadership, même s'il est premier ministre depuis six ans.»

La femme du premier ministre, Marcia, qu'il a rencontré au secondaire bien avant de l'épouser et de déménager à Saint John, l'a soutenu pendant la campagne. Le couple a quatre filles: Lindsey, Laura, Sarah et Rachel.

Lors d'une conférence de presse le 19 septembre, M. Higgs a dit qu'il aurait aimé que les gens le connaissent en dehors de la politique. Il a raconté une anecdote au cours de laquelle de «parfaits inconnus» ont commenté à quel point il était drôle.

«On me demande: 'tu as vraiment le sens de l'humour [...] quand est-ce que ça t'es venu?' et je réponds: 'j'ai eu ça toute ma vie.'»

Il a également avoué que son passage en politique a été plus long que ce que lui et sa femme avaient prévu, mais il ne semble pas vouloir faire marche arrière maintenant.

Il a expliqué que ce sera fini pour lui quand les gens en décideront ainsi, mais que «c’est grâce à cette détermination, à ce désir d’un avenir plus grand, meilleur et plus brillant pour notre prochaine génération, que nous continuons à avancer.»

Hina Alam, La Presse Canadienne