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Les services sociaux ont nui aux Innus de Terre-Neuve-et-Labrador, selon une enquête

durée 18h17
7 avril 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

ST. JOHN'S — Une travailleuse sociale forte de plusieurs décennies d'expérience auprès des Innus de Terre-Neuve-et-Labrador a révélé lors d'une enquête publique que les services sociaux gouvernementaux, censés les aider, ont en réalité porté préjudice aux familles autochtones.

Lyla Andrew, qui a grandi et étudié à Toronto, venait tout juste de terminer ses études supérieures à la fin des années 1970 lorsqu'elle a commencé à travailler dans la communauté innue de Sheshatshiu. Elle a expliqué avoir débuté sa carrière avec la croyance répandue, mais erronée qu'elle avait quelque chose à offrir aux Innus qu'ils n'avaient pas.

«J'ai appris que mon hypothèse était totalement erronée», a raconté Lyla Andrew dans un témoignage préenregistré diffusé lors d'une audience d'enquête à Sheshatshiu.

«En fait, je ne pense pas que ce que nous tentions de partager avec les Innus ait eu une quelconque valeur si nous ne voyions pas la valeur du savoir innu et si nous n'étions pas prêts à comprendre que les Innus avaient une culture et une histoire très riches.»

L'enquête sur le traitement et les expériences des enfants innus pris en charge à Terre-Neuve-et-Labrador a débuté en 2023 et a repris lundi pour une semaine d'audiences officielles. Les procédures ont pris en compte l'histoire des Innus dans la province et les obstacles systémiques auxquels ils sont confrontés.

Des membres de la communauté ont témoigné d'enfants retirés par les services à l'enfance pour être placés loin de leur famille et de leur culture. Plusieurs enfants innus sont décédés alors qu'ils étaient pris en charge par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.

Lyla Andrew, qui travaille au sein d'un secrétariat pour les Premières Nations innues au Labrador, a indiqué que les programmes de services sociaux de la province reposaient sur l'idée occidentale européenne d'une famille composée d'une mère, d'un père et d'enfants. En comparaison, les communautés innues se concentrent sur la collectivité au sens large; souvent, plusieurs générations de familles, voire des groupes d'autres parents, vivent ensemble dans une même maison.

Par exemple, la province réduisait les prestations de soutien du revenu pour les parents si leurs grands-parents vivaient avec eux, a expliqué la travailleuse sociale. «Les politiques… ont simplement été imposées aux Innus», a-t-elle déclaré, ajoutant que «les systèmes d’aide ne se concentrent pas sur le bien-être collectif».

Les grands-parents ressentaient un besoin accru de protéger leurs petits-enfants, a témoigné Lyla Andrew, car ils savaient que de jeunes enfants étaient retirés à leur famille par les services de protection de l’enfance sur ordre de non-Innus.

«Il est difficile d’imaginer que deux ou trois personnes dans ces systèmes — le médecin-chef, le prêtre ou le directeur d’école — puissent avoir autant de pouvoir, a-t-elle déploré, mais c’était le cas.»

Mme Andrew a rédigé un rapport en 1992 réclamant des services à l’enfance et à la famille dirigés par les Innus. Il décrivait les programmes de services sociaux du gouvernement comme un «agent important» de la relation coloniale entre les Innus et le gouvernement provincial, et préconisait des services à l’enfance et à la famille dirigés par les Innus.

Ses recommandations sont restées largement lettre morte, a-t-elle ajouté.

La Presse Canadienne

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