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Le taux de THC dans les eaux de Halifax est bien supérieur à celui d'autres villes

durée 14h05
11 octobre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

HALIFAX — Les eaux usées analysées à Halifax en 2023 contenaient presque deux fois plus de métabolites de cannabis que les échantillons prélevés dans d’autres grandes villes du Canada, comme Toronto ou Montréal.

Les résultats proviennent d’une enquête menée en novembre 2023 par Statistique Canada, qui a suivi divers métabolites de drogues dans les eaux usées d’Halifax, Montréal, Toronto, Saskatoon, Edmonton et Vancouver.

À Halifax, l’enquête a révélé 748 milligrammes de métabolites de THC pour 1 000 personnes par jour. Un nombre bien au-dessus de la moyenne de 448 milligrammes dans les villes étudiées. Le THC est le composé du cannabis qui provoque les effets psychoactifs de la drogue.

Lisa Oliver, responsable de la recherche, a expliqué que les échantillons ont été collectés en continu dans les usines de traitement des eaux usées sur une période d’une semaine. La concentration de dérivés de drogues qu’ils contiennent a ensuite été calculée.

Le projet a débuté en 2019 comme un moyen de mesurer la consommation de substances, car «les drogues, et en particulier les drogues illicites, peuvent être très difficiles à comprendre» à l’aide des méthodes d’enquête traditionnelles, a expliqué Mme Oliver.

«L'avantage avec les eaux usées, c’est qu’elles ne sont pas biaisées et qu’elles n’imposent pas de fardeau de réponse aux individus», a-t-elle souligné.

Un taux inquiétant

Bien qu’il n’y ait aucun moyen de savoir avec certitude pourquoi le taux de consommation de cannabis à Halifax est à ce point plus élevé que dans les autres grandes villes, le Dr Phil Tibbo, psychiatre et professeur à l’Université Dalhousie, affirme que le ministère de la Santé de la province pourrait vouloir tenir compte des résultats de l’enquête lorsqu’il envisagera de réviser ses politiques sur le cannabis.

«Ces données montrent un taux élevé de consommation de cannabis dans notre population, et c’est inquiétant, a-t-il déclaré, mais ce que cela ne montre pas, c’est le groupe d’âge des personnes qui consomment, ou la puissance du produit [à base de cannabis]».

Le gouvernement fédéral a légalisé le cannabis dans tout le Canada en octobre 2018. Un an auparavant, la Nouvelle-Écosse avait déjà le taux de consommation de cannabis le plus élevé du pays, selon l’agence fédérale des statistiques.

Selon M. Tibbo, même si cette hypothèse n’est qu’anecdotique, le taux élevé pourrait être dû au fait qu’il existe depuis longtemps une «acceptation culturelle» de la marijuana dans la capitale de la Nouvelle-Écosse. «Je pense que depuis toujours, même avant la légalisation, on observe une utilisation intergénérationnelle du cannabis», a estimé M. Tibbo.

Il note par exemple que lorsque les parents fument et consomment autour de leurs enfants, adolescents ou jeunes adultes, ceux-ci sont plus susceptibles à ensuite en consommer. Il est également possible que la forte population étudiante des universités et collèges d’Halifax contribue aux niveaux élevés, bien qu’il n’y ait aucun moyen de le savoir sans données démographiques sur l’utilisation, a rappelé M. Tibbo.

Les recherches de M. Tibbo se concentrent sur le lien entre les premiers signes de psychose et la consommation de cannabis chez les adolescents et les jeunes adultes. Ses données montrent que plus une personne est jeune lorsqu’elle commence à consommer du cannabis et plus elle en consomme fréquemment, plus elle présente de «facteurs de risque élevés» de développer des symptômes de psychose. «Et plus récemment, on accorde beaucoup plus d’attention à la puissance des produits à base de cannabis», en tant que facteur de risque élevé de psychose, a expliqué M. Tibbo, ajoutant que pendant de nombreuses années, les plants de cannabis ne produisaient que des fleurs contenant entre 1 et 2 % de THC.

«Au cours des deux dernières décennies, la plante a été sélectionnée pour produire un produit beaucoup plus puissant.»

La Nouvelle-Écosse vend du cannabis par l’intermédiaire de la société provinciale des alcools, qui propose sur son site internet des fleurs de cannabis séchées contenant des niveaux de THC pouvant atteindre 38 %.

M. Tibbo a déclaré que la province pourrait envisager de limiter la puissance des produits qu’elle vend, ou d’envisager des restrictions basées sur l’âge pour le cannabis à forte puissance. Il a aussi suggéré que la Nouvelle-Écosse pourrait envisager d’augmenter l’âge légal pour acheter du cannabis, qui est de 19 ans.

Au Québec, seules les personnes de 21 ans et plus peuvent légalement acheter du cannabis.

Lyndsay Armstrong, La Presse Canadienne

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