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Le Nouveau-Brunswick rouvre une enquête sur une mystérieuse maladie cérébrale

durée 08h51
19 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

FREDERICTON — Melissa Hawkes a commencé à se sentir mal lors d'une visite chez une amie en mars 2021. Tout ce dont elle se souvient avant de s'évanouir, c'est qu'elle est allée aux toilettes. Lorsqu'elle a ouvert les yeux, elle s'est retrouvée allongée sur le sol, ses amis et sa fiancée la regardant avec inquiétude.

«Ils disent: 'Oh non. Tu as eu une crise'», a déclaré Mme Hawkes, âgée de 27 ans, qui vivait à Moncton, au Nouveau-Brunswick, lorsque les symptômes ont commencé. «Je n'étais jamais allée chez cette personne auparavant. Je venais juste de la rencontrer avec ma fiancée. J'étais tellement gênée.»

Ce qui a commencé par des problèmes «légers», dit-elle, comme un épuisement intense et des nausées, s'est transformé en une maladie grave: elle a eu une deuxième crise en 2023 et a développé des lésions nerveuses au poignet et une gingivite nécrosante, une infection douloureuse des gencives.

Elle fait partie des quelque 400 résidents du Nouveau-Brunswick qui souffrent de ce que la province appelle un «syndrome neurologique de cause inconnue», une mystérieuse maladie cérébrale qui semble toucher principalement les personnes vivant dans la péninsule acadienne et dans les régions de Moncton. Sa fiancée, Sarah Nesbitt, est également atteinte.

En février 2022, le ministère de la Santé sous les progressistes-conservateurs, a déclaré qu'une équipe de six neurologues et d'autres experts de la santé n'avait trouvé aucune preuve de l'existence d'un groupe de cas.

Mais les patients, qui ont signalé des symptômes, tels que des problèmes de mémoire, des problèmes d'équilibre, des changements de comportement, des spasmes musculaires et des accès de douleur intense, ont déclaré que la province n'aurait jamais dû fermer l'enquête. En réponse, les libéraux ont fait campagne sur la promesse de la rouvrir et, depuis qu'ils ont remporté les élections d'octobre, le nouveau gouvernement du Nouveau-Brunswick est de retour sur le dossier.

D'une cinquantaine à plus de 400 patients

Beaucoup de choses ont changé depuis 2022, a déclaré le ministre de la Santé, John Dornan, dans une récente entrevue, soulignant qu'il y avait moins de 50 patients qui avaient présenté des symptômes à l'époque. Aujourd’hui, dit-il, il y en a plus de 400.

Le rapport du ministère de la Santé de 2022 indiquait que 46 des 48 cas avaient été renvoyés au gouvernement par un seul neurologue, le Dr Alier Marrero, et que, pour 41 patients, les experts avaient trouvé d’autres diagnostics possibles : la maladie d’Alzheimer, diverses formes de démence, le syndrome post-commotionnel et le cancer. Dix des 48 patients sont décédés et six ont fait l’objet d’une autopsie. «Ces diagnostics comprenaient des maladies telles que la maladie d’Alzheimer, la démence à corps de Lewy ou le cancer», indique le rapport à propos des résultats de l’autopsie.

Mais John Dornan a indiqué qu’avec l’augmentation du nombre de personnes présentant des symptômes, le gouvernement libéral veut examiner «plus en profondeur et plus largement».

«Nous n’avons pas encore été en mesure d’identifier facilement un dénominateur commun pour un traitement, et c’est un véritable défi de taille», a expliqué le ministre, dont la lettre de mandat de la première ministre Susan Holt lui demande de mener «un examen scientifique de la mystérieuse maladie cérébrale». Alier Marrero, qui a commencé à enquêter sur les cas au début de 2020, a donné accès à ses dossiers aux équipes de soins de santé provinciales et fédérales, y compris aux experts de l'Agence de la santé publique du Canada, a déclaré le ministre de la Santé.

Le Dr Marrero n'a pas répondu à une demande d'entrevue.

«C'est un phénomène nouveau, a expliqué M. Dornan. Que nous le caractérisions comme une maladie, un syndrome ou un autre dénominateur commun, notre première étape est de comprendre ce qui se passe. (...) Nous le faisons en ce moment même. Donc (le processus) a commencé. Il a plus que commencé.»

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, a qualifié cela de «grande collaboration».

«L'Agence de la santé publique du Canada est profondément engagée. Nous travaillons à travers ce processus pour être en mesure de comprendre ce qui se passe et pour nous assurer que nous disposons des données et des preuves pour vraiment comprendre ce qui se passe, et ensuite comment nous y prenons-nous», a-t-il déclaré.

Une cause environnementale?

Melissa Hawkes a déclaré qu'elle et certains des autres patients ont demandé au gouvernement de tester les «toxines environnementales» telles que le glyphosate, un désherbant. En janvier 2023, le Dr Marrero a demandé aux autorités sanitaires fédérales et provinciales d'examiner le lien entre leurs symptômes et l'herbicide.

Le ministre Dornan a indiqué que l'enquête se déroulerait une étape à la fois. «Nous allons donc d'abord déterminer quel pourrait être le dénominateur commun, avant d'examiner l'environnement, car certains des tests effectués sur les patients soignés par le Dr Marrero incluent des facteurs environnementaux. Nous allons examiner tout cela.»

Mme Hawkes, qui est également l'une des patientes d'Alier Marrero, a qualifié la réouverture de l'enquête de «bon premier pas».

«[Mais], j'ai peur que cela prenne tant de temps. Des gens sont morts (...) Je suis terrifiée, absolument terrifiée», a-t-elle ajouté.

Entre-temps, sa fiancée de 41 ans a mentionné que certains des symptômes ont commencé à s'atténuer, cinq ans après leur apparition.

Le couple a déménagé dans une nouvelle ville — Canaan Station, au Nouveau-Brunswick — et Mme Nesbitt a modifié son mode de vie et son régime alimentaire. Elle a également commencé à jouer à des jeux vidéo pour améliorer la coordination œil-main. «Certaines choses régressent ou dégénèrent encore, mais de nombreux symptômes ont commencé à s’atténuer», a-t-elle confié.

Elle a toujours des crises et des tremblements, mais ils ne sont pas aussi graves ou fréquents. Elle est également capable de rester debout plus de «quelques minutes» et les picotements nerveux d’un côté de son corps ne sont pas aussi fréquents. «Beaucoup de choses se sont améliorées. Je ne vais tout simplement pas encore mieux.»

Il a fallu beaucoup de temps pour que le gouvernement considère l’affaire comme close en 2022.

«Ils écoutent, a soutenu Sarah Nesbitt à propos des responsables de la santé. Il ne nous reste plus qu’à voir l’action.»

Hina Alam, La Presse Canadienne

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