Le fédéral n'accorde pas assez de ressources pour évaluer les espèces en péril
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Le gouvernement fédéral ne parvient pas à offrir au Comité sur la situation des espèces en péril les ressources nécessaires pour qu'il remplisse son mandat, selon le commissaire à l'environnement et au développement durable.
L'évaluation de la situation d'une espèce constitue la première étape pour déterminer si un animal, un insecte ou une plante est en péril et pour prévenir son extinction.
C'est le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada qui effectue ce type d'évaluation, mais il est du devoir d'Environnement et Changement climatique Canada de fournir le soutien nécessaire au comité pour qu'il puisse réaliser son travail.
En 2023 et 2024, le ministère a «limité son soutien» au comité «à 60 évaluations et réévaluations», ce qui est nettement insuffisant, selon un rapport du commissaire à l'environnement, Jerry DeMarco.
«Avec une cible de 60 évaluations et réévaluations par année, le Comité aurait besoin de près de 30 ans pour évaluer les espèces actuellement prioritaires, et de plus de 100 ans pour évaluer les espèces possiblement en péril», selon le rapport publié jeudi.
De plus, la cible de 60 évaluations «fait en sorte qu’il est impossible pour le comité d’achever les réévaluations dans les délais voulus», car la Loi sur les espèces en péril «exige que chaque espèce en péril fasse l’objet d’une réévaluation tous les 10 ans».
Si les espèces «ne sont pas réévaluées dans le délai de 10 ans prévu par la loi, la population canadienne et les parlementaires pourraient ignorer si la situation d’une espèce s’est améliorée, si elle demeure inchangée ou si elle s’est dégradée, et s’il faut modifier les mesures de rétablissement d’une espèce ou transférer le soutien financier à d’autres espèces qui en ont besoin», peut-on lire dans le rapport du commissaire fédéral à l’environnement.
Le rapport indique «qu'Environnement et Changement climatique Canada a réduit le nombre d’évaluations et de réévaluations de la situation des espèces qu’il prévoyait soutenir par année», passant de 80 en 2021‑2022 à 75 en 2022‑2023, puis à 60 en 2023‑2024.
Lors d'une conférence de presse jeudi matin, le commissaire DeMarco a rappelé que la loi oblige également Environnement et Changement climatique Canada à «fournir au comité le soutien financier, administratif et technique nécessaire» pour exercer ses fonctions.
«Peut-être que, lorsque le comité a été créé dans les années 1970 et lorsque la loi a été adoptée il y a 22 ans, l'échelle de soutien était appropriée, mais maintenant, avec l'ampleur de la crise de la biodiversité», il est temps de «repenser le type ressource» qu'il faut allouer au comité, a-t-il indiqué.
Le Canada s’est engagé à faire cesser et à inverser la perte de biodiversité d’ici 2030, mais «étant donné l’ampleur de la crise mondiale de la biodiversité, le rythme des évaluations et des réévaluations complique la tâche du Canada, car il s’agit de protéger les plantes et les animaux afin d’éviter qu’ils ne disparaissent en raison de l’activité humaine», a également averti le commissaire à l'environnement.
«Déçu» de la réponse du ministère
Le commissaire a donc recommandé à Environnement et Changement climatique Canada de déterminer des cibles appropriées pour les évaluations et de fournir le soutien nécessaire au comité.
Jerry DeMarco s'est dit «déçu de la réponse du ministère qui a répondu qu’il allait travailler pour atteindre les cibles annuelles appropriées en fonction des ressources disponibles».
Selon le commissaire à l'environnement, «le problème est qu’il n’y a pas assez de ressources et leur réponse qu’ils vont continuer de travailler pour trouver de l’efficacité avec les mêmes ressources n’est pas une réponse qui indique qu’ils ont la volonté de faire ce qu'il faut pour répondre à la crise de la biodiversité».
Le Canada abrite environ 80 000 espèces sauvages et plus de 5000 espèces sont possiblement en péril au pays, selon un récent rapport du gouvernement.
Le rapport sur le «Soutien à l’évaluation et à la réévaluation des espèces en péril» est l'un des cinq rapports présentés à la Chambre des communes jeudi.
Stéphane Blais, La Presse Canadienne