Le départ des Britanniques laisse un avenir incertain à la base de Suffield
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Par La Presse Canadienne, 2024
BFC SUFFIELD, ALBERTA — Une base d’entraînement militaire tentaculaire dans le sud-est de l’Alberta – qui fait plus de deux fois la taille de la ville de New York – semble n’être plus que l’ombre d’elle-même alors que son avenir reste incertain.
La base des Forces canadiennes (BFC) Suffield, à 260 kilomètres à l’est de Calgary, est la plus grande zone d’entraînement au Canada. Sa superficie est de près de 2700 kilomètres carrés.
L’armée britannique y a envoyé annuellement des milliers de soldats pour des entraînements et des exercices de blindés depuis début des années 1970.
Le prince Harry y a même suivi un entraînement en 2007 et a été aperçu en train de socialiser dans les bars de Calgary avant d’être déployé en Afghanistan.
Les choses ont changé en 2020 lorsque la pandémie de COVID-19 a perturbé les activités de la base.
En 2023, le ministère de la Défense du Royaume-Uni a annoncé qu’il réduirait considérablement les activités opérationnelles à Suffield et cesserait toutes les activités d’entraînement pendant au moins deux ans, et probablement bien au-delà de cette date.
Tous les chars, l’artillerie, les véhicules blindés de transport de troupes de combat d’infanterie et les véhicules blindés légers du génie ont été renvoyés chez eux.
«Les forces armées britanniques ne mènent actuellement pas d'entraînement à grand déploiement sur l'unité d'entraînement de l'armée britannique Suffield, a déclaré le ministère britannique de la Défense dans un communiqué. Le Royaume-Uni participe activement à des discussions productives avec le gouvernement canadien pour s'accorder quant aux plans d'avenir de la base».
Le ministre canadien de la Défense, Bill Blair, a simplement indiqué que les discussions se poursuivaient.
«Nous nous sommes engagés dans cette installation et nous travaillons en étroite collaboration avec les Britanniques à ce sujet, a-t-il déclaré. Je pense que la base des Forces canadiennes Suffield offre de nombreux usages importants. Nous y travaillons avec eux en ce moment».
La base est toujours utilisée par les unités de réserve des Forces canadiennes pour l'entraînement, certains de ces soldats étant déployés vers l'intervention de l'OTAN en Lettonie.
Chaque année, la branche de Recherche et développement pour la défense Canada de la base organise une formation sur les agents biologiques et chimiques alliés. Treize alliés de l'OTAN ont assisté à l'événement en juillet.
La base a également commencé à accueillir une formation aux hélicoptères des forces armées américaines.
Un sentiment de vide
Mais l'agitation a disparu. La BFC Suffield semblait presque vide lors d'un exercice d'entraînement de fin de semaine vers la fin du mois d'octobre et il en était de même lors d'une journée enneigée de décembre.
Le village de Ralston, qui fournit des logements militaires à la base, compte toujours une école, une église et un aréna.
Un panneau avertit les automobilistes que «les troupes qui marchent, courent et défilent ont la priorité».
Il y avait peu de circulation.
«C'est certainement beaucoup plus calme qu'avant. Les Britanniques venaient toujours et avaient réservé tous les champs de tir un an à l'avance, a déclaré le lieutenant-colonel Tom Bradley, commandant du régiment South Alberta Light Horse. C'était difficile pour nous de nous rendre à Suffield. Maintenant, si vous voulez réserver une partie de la zone d'entraînement, vous pouvez le faire.»
M. Bradley, qui a déjà été commandant de la BFC Edmonton et a servi deux fois en Afghanistan, a expliqué que la taille de la base la rendait idéale.
«Venant d'un régiment de chars, on aime le fait de ne pas avoir à s'inquiéter parce que c'est assez grand pour pouvoir tirer à balles réelles sans se soucier de l'impact sur la sécurité parce qu'il y a plus que suffisamment de portée, a-t-il raconté. Une formation chimique? C’est le seul endroit dans le monde occidental où l’on peut suivre ce type de formation et le faire en toute sécurité.»
Dans un communiqué, les Forces canadiennes ont affirmé qu’elles travaillaient toujours avec le Royaume-Uni pour déterminer comment l'armée britannique utilisera la BFC Suffield à l’avenir après les changements apportés à son empreinte.
Rob Huebert, directeur par intérim du Centre d’études militaires et stratégiques de l’Université de Calgary, estime que Suffield est sous-utilisée et qu’elle constitue un exemple du fait que le Canada ne fait pas son travail en matière de dépenses militaires au sein de l’OTAN.
M. Huebert prévoit que la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis entraînera une augmentation des dépenses du Canada.
«Nous assisterons inévitablement à la remise en état de la base. J’aimerais croire que nous avons touché le fond et qu’à ce stade, les augmentations de la défense nous permettront de lui donner à nouveau un élément significatif», a déclaré M. Huebert.
«Alors que nos alliés, en particulier nos alliés européens, commencent à considérer une guerre avec la Russie avec un certain degré d’inévitabilité, vous allez voir une demande renouvelée en termes de capacité à s’entraîner dans le même type de territoires que celui où une partie des combats risque de se dérouler.»
La seule pizzeria du hameau de Suffield, qui servait la région depuis près de quatre décennies, a fermé plus tôt cette année.
«Ils ont apporté beaucoup d’argent à l’économie de cette région. Le simple fait de venir pour leurs jours de congé et à l'occasion c'était énorme dans la ville. Les vêtements, la nourriture et l'alcool en ont vraiment souffert», a noté Dan Hamilton, préfet du comté de Cypress.
Le comté et la base partagent un service d'incendie et des accords sur l'eau, et Suffield paie des taxes.
M. Hamilton espère que les Britanniques reviendront.
«Nous espérons qu'ils en recevront davantage.»
— Avec des informations de Kyle Duggan à Ottawa
Bill Graveland, La Presse Canadienne