La sœur d’une femme morte de faim réclame des changements systémiques
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Par La Presse Canadienne, 2024
La sœur d'une femme de la Colombie-Britannique atteinte du syndrome de Down qui est morte de faim à Port Coquitlam en 2018 croit que d'autres personnes subiront le même sort si des changements systémiques ne sont pas apportés à la façon dont les personnes ayant une déficience intellectuelle sont traitées.
L'enquête du coroner sur la mort de Florence Girard, 54 ans, s’amorcera lundi à Burnaby, où un jury entendra les circonstances entourant son décès, alors qu'elle ne pesait qu'environ 50 livres.
Sa sœur, Sharon Bursey, a décrit Florence Girard comme quelqu'un de drôle qui aimait passer du temps avec sa famille.
Elle a déclaré que, depuis la mort de sa sœur aînée, des personnes se sont manifestées pour raconter des histoires similaires de maltraitance à l'encontre de membres de leur famille.
«C'est terrible. Je sais que cela va se reproduire et nous devons savoir pourquoi cela peut se produire au Canada», a-t-elle affirmé en entrevue vendredi.
Mme Girard est décédée alors qu'elle vivait chez Astrid Dahl dans le cadre d'un programme destiné aux personnes souffrant de troubles du développement, après la fermeture de son foyer d’accueil.
En 2022, Astrid Dahl a été reconnue coupable de ne pas avoir fourni les choses nécessaires à la vie de Mme Girard. Sa peine initiale de 12 mois avec sursis a été portée à 15 mois d'emprisonnement par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.
La Kinsight Community Society a supervisé le service de partage de domicile dans le cas de Mme Girard, après avoir été engagée par la société d'État provinciale Community Living BC, sous l'égide du ministère du Développement social et de la Réduction de la pauvreté.
Les documents judiciaires indiquent que Mme Girard avait besoin de soins 24 heures sur 24 dans pratiquement tous les aspects de sa vie quotidienne, y compris la surveillance de ses repas.
Les dossiers de 2012 ont montré que Mme Girard était en bonne santé et que son poids était approprié, à 120 livres. Ils soutiennent que son appétit a changé dans les mois précédant sa mort, mais Mme Dahl n'a pas pris de dispositions pour qu'elle reçoive des soins médicaux.
Lorsqu'elle est décédée en octobre 2018, elle pesait 55 livres, selon une décision de condamnation de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en septembre 2022, mais un document datant de juillet 2022 a fixé son poids à environ 50 livres au moment de l'autopsie. Le dernier rendez-vous médical de Mme Girard remonte à mars 2014.
Mme Bursey a déclaré que la dernière fois que quelqu'un de l'organisation responsable du programme de partage de domicile a vu sa sœur, c'était huit mois avant sa mort.
«Je sais qu'il y a tous ces protocoles, ces manuels et ces règles, mais on dirait qu’aucun d'entre eux n’a été respecté. Ma sœur n'avait pas vu de dentiste depuis cinq ans, ni de médecin depuis quatre ans», a-t-elle affirmé.
«Il n'y a pas de normes»
Tamara Taggart, présidente de Down Syndrome BC, une organisation de défense créée après la mort de Mme Girard, dit qu’il faut faire preuve de transparence quant aux défaillances systémiques qui ont conduit à son décès.
«Comment cela a-t-il pu se produire? Comment une personne prise en charge par l'État peut-elle mourir de faim alors qu'il existe soi-disant des garanties, des contrôles, des politiques et toutes sortes de personnes censées surveiller les personnes qui vivent dans des foyers partagés?
«J'espère que nous pourrons découvrir comment cela se produit et où se situent les défaillances, pour que nous puissions ensuite modifier la politique, ou au moins faire des recommandations, afin que cela ne se reproduise plus jamais.»
Les enquêtes du coroner n'attribuent pas les responsabilités, mais les officiers publics sont invités à formuler des recommandations sur la manière d'éviter que des décès similaires ne se reproduisent à l'avenir.
Mme Taggart, dont le fils est atteint du syndrome de Down, devrait témoigner lors de l'enquête.
Elle a déclaré que les personnes atteintes de déficiences développementales sont très mal traitées et que les personnes chargées de s'occuper d'elles ne sont pas non plus très bien traitées.
«Il y a des défaillances systémiques à tous les niveaux. Il n'y a pas de normes pour les soins.»
Selon Mme Taggart, environ 4200 personnes vivent en Colombie-Britannique dans des logements partagés, mais les informations concernant la société d'État et les organismes financés par le gouvernement responsables de ces programmes ne sont pas toujours rendues publiques.
«On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. On ne peut pas recevoir des centaines de millions, voire un milliard de dollars, pour s'occuper de personnes et ne pas être transparent sur la façon dont on s'occupe d'elles. Nous ne savons pas combien de personnes meurent dans les centres de soins. Nous n'en entendons pas parler, à moins qu'un membre de la famille ne se manifeste.
«Mon seul objectif est de découvrir ce qui s'est passé, d'identifier les défaillances systémiques et de veiller à ce que cela ne se reproduise jamais, afin que la mort de Florence ne soit pas inutile. Son héritage doit être un changement systémique.»
Ashley Joannou, La Presse Canadienne