La course à la direction du PLQ s'amorce officiellement lundi
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Au moment où les libéraux fédéraux se préparent à choisir le successeur du premier ministre Justin Trudeau, une autre course au leadership libérale s'amorce cette semaine au Québec.
La course à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ) commence officiellement lundi et pourrait susciter de l'engouement.
Les enjeux sont élevés pour les libéraux québécois, qui vivent dans un désert politique depuis des années en raison d'une popularité peu élevée parmi les électeurs francophones. Des candidats et observateurs disent que le parti doit élargir son attrait au-delà de l'île de Montréal s’il veut avoir une chance de former le gouvernement après les élections provinciales de 2026.
La course à la direction du PLQ se déroulera à l’ombre de celle qui prend forme à Ottawa. Les candidats à la succession de Dominique Anglade, qui a démissionné de son poste de cheffe en novembre 2022, devront se démarquer d’un parti fédéral en pleine crise.
«Soyons réalistes, a déclaré l’analyste politique Karim Boulos, de l'Université Concordia. Ce n’est pas le moment idéal pour être libéral.»
Le PLQ est la plus ancienne formation politique de la province et le parti qui a passé le plus de temps au pouvoir. Toutefois, les libéraux ont subi leur pire défaite depuis des décennies lors des élections de 2018 qui ont porté François Legault et son parti de la Coalition avenir Québec (CAQ) au pouvoir. Ils ont essuyé un revers encore plus cuisant en 2022.
La formation ne détient actuellement que 19 des 125 sièges à l’Assemblée nationale, principalement dans la grande région de Montréal. La concentration des électeurs libéraux dans la métropole leur a permis de conserver le statut d’opposition officielle.
«Le Parti libéral du Québec est à la croisée des chemins, estime le candidat à la direction, Charles Milliard, ancien PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). Le parti a besoin d’un vent de fraîcheur et d’un renouvellement générationnel.»
Pablo Rodriguez, qui a occupé plusieurs portefeuilles ministériels à Ottawa, a annoncé sa candidature en septembre.
Il est maintenant peu probable qu'un autre poids lourd d'Ottawa, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, fasse le saut en politique provinciale puisqu'il envisage de se lancer dans la course à la direction du Parti libéral du Canada (PLC) pour succéder à Justin Trudeau.
Un autre ancien ministre fédéral et ex-maire de Montréal, Denis Coderre, est candidat au poste suprême du PLQ. Marc Bélanger, un avocat fiscaliste, a lui aussi annoncé sa candidature.
Un cinquième candidat, le député de Marguerite-Bourgeoys, Frédéric Beauchemin, aurait renoncé à son rêve de devenir chef du PLQ. Deux sources ont confié à La Presse Canadienne qu’il annoncerait lundi qu’il se retirerait de la course pour appuyer à M. Rodriguez. Il était le seul député de l'Assemblée nationale à avoir annoncé sa candidature.
Charles Milliard, âgé de 45 ans, estime que le PLQ doit s’éloigner des questions d’identité, y compris la laïcité et la langue, qui ont été des points centraux du gouvernement Legault. Il prévoit mener une campagne concentrée sur les soins de santé, l’éducation et les finances publiques.
«Le Parti libéral du Québec est le seul parti politique au Québec qui peut parler à tous les Québécois, soutient-il. Ces dernières années, la CAQ et le Parti québécois ont démontré qu’ils peuvent être portés sur la division.»
Les libéraux ont eu du mal cependant à élaborer une réponse convaincante à la CAQ, qui s’est positionnée comme le parti de l’économie, un terrain occupé historiquement par les libéraux.
Le parti, qui n’a pas de chef permanent depuis 2022, n’a pas encore réussi à profiter de la récente baisse de popularité dans les sondages du gouvernement Legault. Au lieu de cela, c'est le Parti Québécois (PQ) qui a le vent dans les voiles depuis plus d’un an.
Danielle Pilette, professeure associée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a souligné que le parti doit «rétablir la marque de commerce libérale du Québec» comme meilleure option pour gérer l’économie, particulièrement face aux menaces tarifaires du président élu Donald Trump aux États-Unis.
Selon Karim Boulos, les libéraux fédéralistes du Québec devront également surfer sur le sentiment nationaliste actuel au Québec. «La réalité est que vous ne seriez pas élus aujourd’hui au Québec si vous dites être un fédéraliste pur et dur», souligne-t-il.
Pourtant, M. Milliard est un novice en politique qui se considère comme «nationaliste d’abord». Il affirme que le Québec «sort gagnant quand le Canada fonctionne bien». Le Parti libéral du Québec, a-t-il dit, est à la fois nationaliste et fédéraliste.
Pablo Rodriguez peut être considéré comme le favori de la course, mais il a lui aussi quelques croix à porter. Il pourrait être perçu comme un autre libéral fédéral, de surcroît de Montréal.
«Est-il capable de déclencher un mouvement majeur dans les régions?», se demande Mme Pilette.
M. Rodriguez, qui a refusé une demande d’entrevue, devra aussi composer avec le bagage de neuf ans d’un gouvernement libéral fédéral qui est maintenant profondément impopulaire. En novembre, Frédéric Beauchemin l’a même accusé de faire partie d’un gouvernement «qui a dépensé comme des marins ivres».
M. Beauchemin, apparemment, a changé d’avis depuis.
Messieurs Rodriguez et Milliard ont tous deux des appuis au sein du caucus libéral, mais Charles Milliard a un appui considérable de l'aile jeunesse du parti.
Parmi tous les candidats, M. Rodriguez a probablement la meilleure chance de devenir premier ministre, juge Karim Boulos. «Mais, il doit d’abord convaincre les libéraux provinciaux et c’est le défi», ajoute-t-il.
Denis Coderre, le premier à annoncer sa candidature en juin, s'est retrouvé dans la controverse en raison de ses démêlés médiatisés avec le fisc à qui il devrait environ 400 000 $. Dans un message publié en décembre sur Facebook, M. Coderre a déclaré que ses problèmes fiscaux seraient résolus d’ici janvier. Il n’a pas répondu lui non plus aux demandes d’entrevue de La Presse Canadienne.
À ce jour, il n’y a pas de femmes qui ont annoncé leur intention de se lancer dans la course, qui se terminera en juin avec l’élection d’un nouveau chef.
Marc Tanguay est le chef par intérim du PLQ depuis la démission de Dominique Anglade en novembre 2022.
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Avec des informations du journaliste Stéphane Blais
Maura Forrest, La Presse Canadienne