La coopération aérienne sino-russe retient «toute l'attention» du NORAD
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — La coopération aérienne entre la Chine et la Russie dans l'Arctique retient «toute l'attention» du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD), a indiqué son chef.
Les deux pays ont organisé pour la première fois une patrouille conjointe dans l'Arctique, près de la côte de l'Alaska, en juillet dernier.
Le général américain Gregory Guillot a déclaré à La Presse Canadienne dans une entrevue de fin d'année qu'il faudrait potentiellement des décennies pour que les armées des deux pays atteignent une «intégration totale» à un niveau comparable à celui des États-Unis et du Canada.
«Nous considérons qu'il s'agit actuellement d'une coordination, ce qui signifie qu'ils peuvent opérer en toute sécurité dans la même zone (mais) sans atteindre le niveau d'intégration des Forces canadiennes et des Forces américaines, a-t-il expliqué. Comme ils continuent d'opérer davantage là-bas, cela retient certainement notre attention et c'est quelque chose que nous surveillons de très près.»
Les concurrents stratégiques du NORAD — la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l'Iran — ont connu «un niveau sans précédent de coordination transactionnelle entre eux pour la première fois», a-t-il noté.
Au cours de l’année écoulée, le Canada a été en froid avec les responsables américains pour ne pas avoir respecté ses engagements envers l’OTAN en matière de dépenses de défense. Bien que ce conflit ne fera que s’intensifier en 2025, avec l'arrivée de Donald Trump à la présidence, M. Guillot a avancé que cet incident mettait en évidence les liens profonds entre les deux armées.
«2024 a été une année exceptionnelle pour les relations militaires entre le Canada et les États-Unis», a-t-il indiqué, soulignant la façon dont les CF-18 ainsi que les F-16 et F-35 américains se sont coordonnés pour faire face à l’incident de juillet.
«Les Canadiens opéraient à partir de la base aérienne d’Elmendorf, en Alaska, et ont pu passer au rôle de NORAD et répondre avec nous. Cela n’est possible que si vous avez des années et des années d'entraînement entièrement intégré.»
Il a mentionné que l'activité russe avait légèrement augmenté l'année dernière, avec un incident notable fin septembre, lorsque des bombardiers russes ont été repérés au large de l'Alaska, mais pas dans l'espace aérien souverain américain ou canadien.
Lorsqu'un chasseur F-16 a tenté d'intercepter l'un des bombardiers, il a manœuvré trop près de l'avion américain.
«L'un des chasseurs a agi de manière très dangereuse et peu professionnelle, ce qui m'a surpris, car ce n'est pas ce à quoi on s'attend d'une force aérienne professionnelle», a-t-il déclaré.
Malgré cela, le défi auquel le NORAD est confronté avec la Russie est que ce pays est de plus en plus capable de menacer l'Amérique de plus en plus loin, ce qui oblige le NORAD à se concentrer sur le renforcement de sa capacité à détecter les menaces, a-t-il souligné.
Une présence plus soutenue
Le général Guillot, qui est originaire de l'Arizona et qui a pris ses fonctions à la tête du NORAD cette année, a soutenu que les deux pays doivent renforcer leur présence dans l'Arctique en multipliant les exercices et les campagnes.
En effet, les forces qui se déplacent dans le Grand Nord doivent s’habituer aux conditions difficiles et glaciales en cas de crise.
Il y a quelques semaines, le général s’est rendu à Cold Lake, en Alberta — qui, selon lui, «porte bien son nom» — où il a piloté un CF-18, un avion de l’Aviation royale canadienne en cours de modernisation pour aider à la transition du Canada vers le F-35.
Il n’est cependant pas encore allé dans le Grand Nord. Il organise un voyage à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, probablement en février, pour mieux se familiariser avec les opérations qui s'y déroulent.
Jusqu’à présent, ses voyages dans l’Arctique se sont limités à l’Alaska, où il a été surpris par les conditions difficiles. Ce vaste espace représente plus de la moitié de la zone de responsabilité du NORAD, et la grande distance entre les bases en fait un «environnement difficile» pour les équipages qui interviennent auprès des avions russes.
Selon lui, les forces armées américaines et canadiennes envisagent de passer plus de temps à opérer dans les régions les plus éloignées de l'Arctique en 2025.
Le général a également précisé que les États-Unis accueillent des pilotes canadiens qui piloteront à terme des F-35 à la base aérienne d'Eielson, près de Fairbanks, en Alaska, pour s'entraîner. Le plan consiste à leur montrer que «l'exploitation et l'entretien d'un chasseur de cinquième génération, en particulier dans la région arctique, sont très différents d'un chasseur de quatrième génération comme nous avons avec les F-15 et les F-16 et que les Canadiens ont avec les F-18», a-t-il déclaré.
«Nous avons déjà commencé cela maintenant pour accélérer la transition», a-t-il ajouté.
Kyle Duggan, La Presse Canadienne