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La Chine cherche l'appui du Canada pour répondre aux menaces de Donald Trump

durée 16h51
23 avril 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

6 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — L'ambassadeur de Chine suggère que Pékin pourrait former un partenariat avec le Canada pour répliquer à l'«intimidation» américaine, indiquant que les deux pays pourraient mobiliser d'autres nations pour empêcher Washington d'ébranler l'équilibre mondial.

«Nous voulons éviter que l'humanité ne soit à nouveau soumise à la loi de la jungle», a déclaré Wang Di à La Presse Canadienne lors d'une entrevue.

«La Chine représente une opportunité pour le Canada, et non une menace», a-t-il assuré par l'intermédiaire de l'interprète de l'ambassade.

M. Wang, dont le bureau a sollicité l'entrevue avec La Presse Canadienne, a soutenu que la Chine et le Canada semblent être les seuls pays à adopter des «contre-mesures concrètes et réelles contre les droits de douane américains injustifiés» imposés par le président américain Donald Trump.

«Nous avons constaté que, face à l'intimidation unilatérale des États-Unis, le Canada n'a pas reculé. Au contraire, le Canada se tient du bon côté de l'histoire, du bon côté de l'équité et de la justice internationales.»

L'ambassadeur a avancé que Pékin et Ottawa devraient collaborer pour convaincre les autres pays de ne pas se plier face à l'administration Trump et plutôt faire payer à Washington le prix de ses violations des règles du commerce mondial.

Roland Paris, directeur de l'École supérieure d'affaires internationales de l'Université d'Ottawa, a noté que Pékin cherche depuis longtemps à remodeler les institutions internationales pour servir ses propres intérêts; des efforts qui ont souvent placé la Chine à l'encontre de la politique étrangère d'Ottawa.

Il a ajouté que les entreprises canadiennes devraient adopter une approche prudente envers la Chine, où elles sont toujours exposées au risque d'interdictions d'importation et de détentions arbitraires.

«L'utilisation mercenaire des droits de douane et des barrières non tarifaires que nous observons de la part de l'administration Trump est pratiquée depuis longtemps par la Chine sous différentes formes», a soutenu M. Paris.

«La Chine a elle-même joué d'une politique dure et a abusé des règles commerciales par le passé pour contraindre les pays, dont le Canada, qui ont osé aller à l'encontre de Pékin.»

Relations difficiles avec la Chine

Alors que la rivalité entre les États-Unis et la Chine s'intensifiait, le Canada a généralement suivi l'exemple de Washington en restreignant certains types d'échanges avec la Chine. L'automne dernier, afin de protéger les emplois du secteur automobile canadien et d'apaiser les inquiétudes américaines concernant les menaces pesant sur les chaînes d'approvisionnement, le gouvernement fédéral a imposé des droits de douane de 100 % sur les importations de véhicules électriques fabriqués en Chine – rendant ainsi pratiquement impossible l'accès au marché canadien pour les véhicules électriques chinois.

Le Canada a déjà dénoncé des pratiques déloyales de la Chine, notamment «la politique chinoise de surcapacité intentionnelle dirigée par un État et l’absence de normes rigoureuses en matière de travail et d’environnement».

Pékin a riposté en imposant d'importants droits de douane sur le canola et le porc canadiens – une taxe que, selon M. Wang, Pékin serait heureux de supprimer si Ottawa abandonnait les siens.

«Les causes des droits de douane chinois sont très claires, tout comme le bien-fondé de cette affaire, a-t-il déclaré. Nous devrions laisser les principes et les règles du marché guider les échanges bilatéraux sino-canadiens, au lieu de permettre à des préjugés idéologiques de nuire à notre coopération.»

M. Wang a soutenu que la Chine sait que ses droits de douane affectent l'Ouest canadien plus que les autres régions, bien qu'il ait suggéré que ce ne soit pas intentionnel. Il a déclaré que Pékin entrevoyait de nombreuses opportunités avec les provinces de l'Ouest, soulignant s'être récemment entretenu avec le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe.

«Dans une certaine mesure, nous sommes des voisins séparés par l'océan Pacifique», a déclaré M. Wang.

La société internationale de fret Vortexa rapporte que la Chine a importé une quantité record de pétrole brut canadien le mois dernier, grâce au pipeline Trans Mountain et à l'effondrement des importations chinoises de pétrole américain.

«Nous sommes sincères dans le fait d'être prêts à partager les opportunités qu'offre le développement de haute qualité de la Chine», a assuré M. Wang.

L'ambassadeur a indiqué avoir été en contact avec divers fonctionnaires fédéraux au Canada en vue de former un partenariat. Il a ajouté que les deux pays risquaient de perdre économiquement si les Nations unies et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) se disloquaient.

«Le Canada et la Chine ont tous deux assumé leurs responsabilités internationales et historiques, a-t-il déclaré. La Chine est prête à saisir cette occasion pour collaborer avec le Canada et tous les autres pays afin de défendre le système international centré sur l'ONU et le régime commercial multilatéral qu'englobe l'OMC, afin de s'opposer à toute pratique régressive dans le monde.»

Il a affirmé que les menaces de M. Trump d'annexer d'autres pays et d'empiéter sur la souveraineté canadienne sont des «mesures typique d'hégémonie et d'intimidation».

Le président chinois Xi Jinping a délivré un message similaire lors d'une récente tournée dans les pays d'Asie du Sud-Est, qui sont confrontés à certains des droits de douane américains les plus élevés.

Les États-Unis ont récemment proposé des accords commerciaux avec divers pays pour qu'ils s'engagent à réduire leurs échanges avec la Chine, ce qui a incité Pékin à menacer une riposte. La Chine a convoqué une réunion informelle au Conseil de sécurité de l'ONU mercredi et a invité tous les États membres à prendre position contre la coercition américaine.

Tout cela s'apparente à une «chasse aux bonnes affaires diplomatiques», a soutenu M. Paris, qui a été conseiller en politique étrangère pour l'ancien premier ministre Justin Trudeau.

«Il s'agit d'une tentative assez transparente de s'attirer les faveurs de pays qui se sentent aliénés par les États-Unis», a-t-il ajouté.

La position canadienne

On ne sait pas si ce message trouvera un écho auprès d'Ottawa. Lors du débat des chefs des partis fédéraux en anglais, le chef libéral Mark Carney a décrit Pékin comme «la plus grande menace pour la sécurité du Canada». Le lendemain, il a déclaré que la Chine soutenait l'invasion de l'Ukraine par la Russie, constituait «une menace grandissante pour l'Arctique» et «l'une des plus grandes menaces en matière d'ingérence étrangère».

Le chef conservateur Pierre Poilievre parle depuis longtemps de Pékin comme d'une autocratie qui perturbe l'ordre mondial. Son programme promet de «maintenir les tarifs douaniers sur les importations chinoises stratégiques afin de protéger notre sécurité nationale et les travailleurs canadiens».

Les responsables canadiens ont continué de signaler des campagnes d'ingérence chinoise dans la politique canadienne. Des rapports qui, selon Pékin, ne reposent sur aucune preuve tangible. La Chine rejette également les allégations selon lesquelles elle soutiendrait la Russie ou chercherait à déstabiliser l'Arctique.

Depuis janvier 2024, la Chine demande qu'Ottawa assume la responsabilité des tensions dans les relations bilatérales pour permettre la rétablissement d'une relation sur la base des intérêts communs.

M. Wang a affirmé qu'au cours de ses 11 mois en tant qu'ambassadeur, il a constaté chez les Canadiens une vague de soutien en faveur d'un rapprochement avec la Chine. Selon lui, ils demandent de plus en plus de visas pour se rendre en Chine. Il a invité le Canada à «réfléchir sérieusement à la politique qu'il a adoptée à l'égard de la Chine ces dernières années».

En juin 2024, Abacus Data a demandé aux Canadiens de classer des pays sur une échelle de 1 à 10. La Chine s'est retrouvée relativement basse au classement; 3,1 en moyenne, un peu plus près de 4 chez les adultes de moins de 30 ans. Le sondage a été réalisé pour la Munk School de l'Université de Toronto.

«La Chine a toujours considéré le Canada comme un ami et un partenaire, a assuré M. Wang. Pour que les relations bilatérales se déroulent bien, il faut être deux à danser le tango.»

Dylan Robertson, La Presse Canadienne

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