L'industrie de la restauration entrevoit 2025 avec plus d'optimisme
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Le début de 2024 a été difficile pour le secteur de la restauration, frappé par une vague de fermetures, avant de reprendre son souffle. Après cette «traversée du désert», des acteurs du milieu anticipent la prochaine année avec plus d'optimisme. Selon un expert, l'industrie est maintenant en meilleure position, mais demeure fragile.
Au premier trimestre de 2024, le nombre de restaurants déclarant faillite a été plus élevé qu'en moyenne, tant au Québec que dans le reste du Canada.
Selon l'Association Restauration Québec (ARQ), pour chacun des mois de janvier et février, une soixantaine d'établissements ont fermé leurs portes, et une cinquantaine ont fait de même en mars, alors que la moyenne mensuelle se situe entre 20 et 35 faillites.
«Ce serait, selon nous, directement relié au fait de la COVID, de la fin des mesures d'aide et de la fin des périodes de grâce pour les remboursements», indique le vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l'ARQ, Martin Vézina, en entrevue.
Le niveau d'endettement et l'obligation en janvier de rembourser le prêt du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, mis sur pied par le fédéral durant la pandémie, ont fait mal à plusieurs.
Restaurants Canada note également une hausse de 45 % des faillites au pays pour les huit premiers mois de l'année. «Ce qui est plus que les années 2021 et 2022 combinées en termes de chiffres absolus de faillites déclarées», précise le vice-président de l'organisation pour le fédéral et le Québec, Maximilien Roy.
«On s'attendait à un début d'année qui serait difficile et ensuite à une éclaircie vers la fin de l'année, et c'est ce qui se passe», expose-t-il.
Dans l'ensemble, le nombre de faillites a ralenti au cours du printemps pour ensuite revenir à des niveaux plus habituels, constate en effet l'ARQ. M. Vézina indique que la hausse des fermetures a surtout été prononcée dans la catégorie des services au comptoir, qui avait pourtant était moins affectée lors de la pandémie. L'association ne peut expliquer pourquoi ce secteur a davantage vu de restaurants mettre fin à leurs opérations.
Au final, le Québec comptait tout de même plus de restaurants en novembre qu'en début d'année. D'après des données compilées par l'ARQ et provenant du ministère québécois de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, il y avait plus de 18 550 établissements dans la province, soit une croissance de 4 % par rapport à janvier.
Ce chiffre reste toutefois en dessous du niveau prépandémique qui était autour de 20 000.
«Est-ce qu'on va rattraper la perte due à la crise sanitaire? On ne pense pas. Ce n'est pas avec une croissance de 4 % qu'on va être en mesure de revenir au même niveau du nombre d'établissements qu'on avait en février 2020», soutient M. Vézina, qui estime que 2024 n'est pas une année à se remémorer.
«Ça va être une année OK, mais sans plus», dit-il.
Changements dans les habitudes
Malgré le contexte inflationniste et une situation économique moins favorable, l'achalandage est resté au rendez-vous, subissant une légère décroissance, évoque l'ARQ. Les ventes ont augmenté en chiffre global, rapporte Restaurants Canada.
Mais les deux organisations observent que la facture moyenne des clients a peu bougé en 2024. «Ils vont autant au restaurant, mais ils vont autant avec le même budget», relate M. Vézina.
«Les prix ont augmenté, donc on retrouve une consommation qui est différente. Des fois, ils vont abandonner un dessert, ils vont abandonner la bouteille de vin pour se limiter peut-être à un ou deux verres de vin», poursuit-il.
Tout comme l'ARQ, Restaurants Canada espère que le congé de TPS jusqu'au 15 février permettra à la fois de rehausser l'achalandage et d'enlever cette «barrière psychologique sur le prix» et ainsi encourager les clients à consommer un peu plus.
«Pendant le congé de TPS, ce qu'on calcule, c'est qu'à travers le Canada, on parle d'une hausse des ventes d'environ 1,5 milliard $, ce qui est environ une augmentation en moyenne de 5 % des ventes pour les restaurateurs», détaille M. Roy.
Un changement du côté du «pragmatisme» des consommateurs s'est aussi opéré cette année, selon M. Roy, prenant en exemple ceux qui font la file pour recevoir leur café du matin.
«On voit de plus en plus des gens qui décident de simplement quitter la ligne parce que ça prend trop de temps et trouvent que ça n'améliore pas leur qualité de vie, relate-t-il. (...) Les restaurants qui ont été en mesure d'offrir des services plus rapides, d'offrir une livraison à la maison, ce sont eux qui ont réussi à se démarquer au cours de 2024 et qui continuent leur croissance ces temps-ci.»
Éviter de «se transformer en musée»
Aux yeux du professeur à l'Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), Robert Laporte, il est important pour les restaurateurs de savoir «casser le statu quo» pour se repositionner face à une clientèle qui change.
«La restauration est souvent synonyme de tradition. Et cette tradition-là amène des pratiques qui ont besoin d'être corrigées. Pas uniquement ce qui est dans l'assiette, mais bel et bien ce qui est autour de l'assiette en termes d'atmosphère, de rythme et de qualité de service», mentionne M. Laporte.
Selon lui, les restaurateurs doivent apprendre à faire les choses différemment. «Je ne pense pas que la restauration doit se transformer en musée», dit-il.
«On n'est pas là pour conserver des salles à manger ou encore des pratiques en gestion ou des recettes uniquement pour les conserver. C'est pour cette raison qu'on voit la fermeture de plusieurs établissements parce qu'ils ne sont plus pertinents», fait-il valoir.
Le professeur de l'ITHQ estime que l'industrie est en profonde transformation. Il affirme que les restaurateurs apprennent notamment à «passer de chef de cuisine à chef d'entreprise».
«Les restaurateurs sont en meilleure position, mais ils sont en transition, donc il y a une forme de fragilité» actuellement, avance M. Laporte.
Avec la baisse des taux d'intérêt et le ralentissement de l'inflation, les représentants du milieu croient que 2025 s'annonce meilleure que cette année.
L'année 2024 «a été une traversée du désert, mais on arrive à la fin de l'année, et là, il y a de l'espoir, témoigne M. Roy. Il y a vraiment quelque chose d'intéressant avec le congé de TPS. On semble arriver à un endroit où on va être mieux en général pour l'industrie.»
Mais il reste deux importantes inquiétudes, indique l'ARQ. La gestion de certains coûts qui augmentent (les loyers et les salaires, entre autres), malgré la baisse du côté des aliments. Et l'enjeu de la main-d'oeuvre avec les nouvelles mesures en matière d'immigration, énumère M. Vézina.
«En 2025, on espère une amélioration au niveau peut-être des revenus. Il faudra toutefois surveiller pour l'été qu'on a la main-d'œuvre pour conserver le même achalandage ou offrir les mêmes heures d'ouverture pour s'assurer justement des ventes continues pendant une période qui est importante», mentionne-t-il.
Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne