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L'IA doit être prise en compte dans la législation visant à indemniser les médias

durée 13h10
13 avril 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

TORONTO — Des chercheurs canadiens affirment que toute loi future visant à uniformiser les règles du jeu entre les géants de la technologie et les organisations journalistiques doit tenir compte de l'intelligence artificielle générative.

Les experts à l'origine d'un nouveau rapport analysant la Loi sur les nouvelles en ligne estiment qu'il est important que cette technologie populaire soit intégrée aux futures politiques, car le champ de bataille de l'industrie de l'information en matière d'équité et de rémunération se déplace des plateformes vers les robots conversationnels d'IA.

Selon ces chercheurs, les entreprises d'IA se démènent pour obtenir du contenu de haute qualité afin d’entraîner leurs modèles, ce qui les a amenées à se tourner vers les médias et leurs contenus.

«De plus en plus de personnes ont recours aux robots conversationnels pour obtenir des informations, mais ces robots conversationnels ne citent pas nécessairement les médias. Les entreprises d'IA deviennent de gigantesques entreprises milliardaires grâce aux informations issues des médias», a déclaré Sophia Crabbe-Field, l’autrice principale du rapport réalisé par le Centre pour les médias, la technologie et la démocratie de l'Université McGill, à Montréal.

Les chercheurs constatent que des éditeurs individuels ont signé des accords de licence avec des sociétés d'IA dans l'espoir de récupérer une partie de la rémunération des entreprises qui ont formé des modèles grâce à leurs informations.

Calculer une rémunération appropriée est complexe, car les éditeurs ne savent pas toujours quelle quantité de leur contenu a été utilisée par les entreprises d'IA, ni combien ces entreprises gagnent grâce aux modèles qu'elles ont entraînés grâce à leurs informations.

«Il est difficile d'attribuer une valeur monétaire claire aux informations, car il s'agit d'un bien public», affirme Mme Crabbe-Field.

News Corp, l'éditeur du «Wall Street Journal», de «Barron's» et du «New York Post», a signé l'année dernière un accord de partage de contenu d'actualité avec OpenAI qui permet au robot conversationnel ChatGPT d'entraîner ses modèles grâce au contenu de News Corp. Selon les rumeurs, cette entente est évaluée à plus de 250 millions $ sur cinq ans.

L'agence de presse Associated Press a conclu son propre accord avec OpenAI quelques mois plus tard, mais n'en a pas dévoilé les termes financiers.

Le rapport de Mme Crabbe-Field met en garde contre le fait que de tels accords pourraient nuire aux éditeurs à long terme et suggèrent que les médias feraient mieux de rechercher des solutions collectives plutôt qu'individuelles.

«Ils devraient s'unir pour exiger de réelles concessions contribuant à la viabilité à long terme des médias, plutôt que de conclure des accords individuels offrant une valeur monétaire immédiate, mais qui ne sont peut-être pas dans leur intérêt à long terme et qui laissent de côté les médias plus petits ou plus diversifiés», déclare-t-elle.

Interrogé sur la suggestion de Mme Crabbe-Field, le groupe News Media a convenu que les accords omettaient de nombreux éditeurs dont le contenu est utilisé par les entreprises technologiques.

«La plupart des entreprises d'IA ne semblent intéressées qu'à conclure des accords avec un ou deux grands éditeurs pour un marché donné. Or, nous savons qu'elles se gavent de contenu provenant de sources multiples, y compris de petits médias communautaires», a écrit Paul Deegan, le président du groupe, dans un courriel.

Des «repères»

Il considère cependant que les accords de licence et les récentes poursuites intentées par des éditeurs ont établi des «repères» permettant à chacun d'avoir une idée de ce qu'est une rémunération équitable. Il a indiqué qu'ils pourraient éventuellement mener à une approche collective.

OpenAI a été poursuivie en novembre par une coalition d'entreprises médiatiques alléguant une violation de leurs droits d'auteur.

Les avocats du groupe, qui comprend La Presse Canadienne, Torstar, The Globe and Mail, Postmedia et CBC/Radio-Canada, ont déclaré qu'un modèle de rémunération possible pourrait inclure des paiements de 20 000 $ par œuvre ou un montant «que le tribunal jugera juste».

En février, le propriétaire du «Toronto Star» et des éditeurs américains, dont Condé Nast, McClatchy, Forbes Media et Guardian News, ont intenté une action en justice. Ces derniers accusaient l'entreprise canadienne d'intelligence artificielle Cohere d'avoir violé le droit d'auteur en récupérant leurs articles sur internet sans permission ni compensation.

Le rapport de Mme Crabbe-Field a abordé ces poursuites, mais il portait avant tout sur la Loi sur les nouvelles en ligne, une législation que le gouvernement fédéral a adoptée pour obtenir des compensations de la part de certains moteurs de recherche et entreprises de médias sociaux afin d'aider les médias dont le travail a été réutilisé par des sociétés technologiques.

Google a obtenu une exemption de cinq ans à la Loi sur les nouvelles en ligne en acceptant de verser 100 millions $ par année aux organisations médiatiques.

Meta, propriétaire de Facebook et d'Instagram, est également assujetti à la Loi sur les nouvelles en ligne, mais il a évité d'avoir à verser de l'argent en bloquant l'accès aux nouvelles canadiennes sur ses plateformes.

Mme Crabbe-Field suggère qu'une future législation pourrait éviter à Meta de contourner les politiques en incluant des «obligations de diffusion», qui contraindraient les plateformes à continuer d'héberger le contenu des éditeurs de presse couverts par la Loi.

Elle a affirmé que de telles dispositions sont déjà imposées aux fournisseurs de câble et de satellite, qui doivent diffuser certaines chaînes, comme APTN, et que leur application aux plateformes de médias sociaux aurait rendu l'interdiction de diffusion de Meta plus difficile à mettre en œuvre.

Tara Deschamps, La Presse Canadienne

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