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Jagmeet Singh estime que la lutte à venir se fera avec les conservateurs

durée 17h28
19 décembre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

7 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a commencé l’année 2024 en soutenant le gouvernement minoritaire du premier ministre Justin Trudeau. Il la termine en demandant sa démission.

Les efforts progressifs de M. Singh pour limiter son alliance avec les libéraux se sont accélérés cette semaine après la démission de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, plongeant le gouvernement dans un chaos politique supplémentaire et soulevant des questions sur la capacité de Justin Trudeau à rester encore longtemps premier ministre.

Jagmeet Singh n’a toutefois pas encore fixé de calendrier pour la date à laquelle son parti se joindra aux conservateurs et au Bloc québécois pour vaincre le gouvernement et déclencher des élections.

Après le départ soudain de Chrystia Freeland – un geste entièrement imputé à M. Trudeau qui lui a dit qu’elle serait remplacée comme ministre des Finances – M. Singh juge qu’il est temps pour le premier ministre de démissionner. Mais, lorsqu’on lui a demandé si cela signifiait que son parti voterait une motion de censure contre le gouvernement à la prochaine occasion, il a simplement répondu que «toutes les options étaient sur la table».

Le chef néo-démocrate a accordé une entrevue de fin d'année le 10 décembre à La Presse Canadienne, avant que la démission de Mme Freeland ne change le cours de la politique canadienne. Lors de la conversation, il a exposé ses réflexions sur les raisons pour lesquelles il a soutenu les libéraux jusqu’à présent et sur ce qui se passera ensuite.

«Le choix lors des prochaines élections se résumera à la question suivante: les libéraux ont laissé tomber les gens, les gens ne veulent pas leur donner une autre chance, donc ce sera entre Pierre Poilievre et les conservateurs, qui veulent couper dans ce dont vous avez besoin, ou les néo-démocrates qui veulent rendre votre vie plus abordable. Ce choix sera réel», a avancé M. Singh.

L’accord d’approvisionnement et de confiance que M. Singh a conclu avec Justin Trudeau en 2022 prévoyait que le NPD soutienne les libéraux sur des votes clés en échange de l’action des libéraux sur les priorités du parti, comme les soins dentaires et l’assurance-médicaments.

Le néo-démocrate a retiré son parti de cet accord en septembre, affirmant que les libéraux étaient «trop redevables aux intérêts des entreprises» après avoir ordonné un arbitrage exécutoire dans les grèves des chemins de fer et des compagnies aériennes au cours de l’été. Le NPD a depuis appuyé les libéraux lors de trois votes de censure initiés par les conservateurs.

Chaque décision est prise vote par vote, selon M. Singh, qui dit considérer la même chose chaque fois qu'une question de confiance est présentée à la Chambre.

«Je pense aux gens de ce pays et je réfléchis à la façon dont je peux faire autant que possible, dans la mesure où je suis en position de les aider. C'est ma question numéro un», a-t-il expliqué.

«Est-ce que cela aidera les gens ? Est-ce que cela améliorera leur vie ? Est-ce que cela rendra leur vie plus abordable ? Ce sont les choses qui me motivent. Comment puis-je utiliser le poste qui m'honore pour donner un répit aux gens, pour leur donner de l'aide ? C'est mon objectif.»

Le chef conservateur Pierre Poilievre a fait pression sur Jagmeet Singh pour qu'il se joigne à lui afin de faire tomber le gouvernement pendant la majeure partie de l'automne. Le lendemain du départ de Mme Freeland du cabinet, M. Poilievre a réitéré cet appel, demandant à M. Singh de voter la censure «dès que cela sera légalement possible».

Une lutte difficile

Pierre Poilievre a une avance considérable dans les sondages d’opinion, qui ont placé les conservateurs avec une solide avance de 20 points sur les libéraux et le NPD pendant une grande partie de l’année.

M. Singh n’est pas naïf à ce sujet, disant le mois dernier aux collaborateurs du NPD qu’ils vont avoir une lutte difficile l’année prochaine, quelle que soit la tenue des élections. Selon la loi, elles doivent avoir lieu avant la fin octobre 2025, mais pourraient se tenir plus tôt si les partis d’opposition votent contre le gouvernement à la Chambre des communes.

Un sondage du 17 décembre d’Abacus Data suggère que le NPD bénéficie d’un soutien plus important que les libéraux en dehors de l’Ontario et du Québec.

Une partie de cette lutte consistera à essayer de briser la rhétorique conservatrice liant le NPD aux libéraux en raison de l’accord d’approvisionnement et de confiance et du soutien des néo-démocrates au parti au pouvoir dans les mois suivants.

Malgré cela, Jagmeet Singh ne croit pas que les Canadiens associent trop étroitement son parti aux libéraux.

«Je pense que les gens comprennent la différence, même si les conservateurs veulent mentir», a-t-il affirmé.

«(Les libéraux) avaient le pouvoir de gouverner. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons utilisé le pouvoir que nous avions pour les forcer à faire avancer les choses pour les gens. Nous allons continuer à le faire».

L'un des derniers points de l'accord sur l'approvisionnement et la confiance, maintenant déchiré, était l'adoption d'une loi visant à établir un système d'assurance-médicaments à payeur unique.

La version qui a reçu la sanction royale plus tôt cette année promet de couvrir la plupart des médicaments contre le diabète et des contraceptifs, mais les provinces doivent d'abord négocier des accords avec Ottawa.

«Nous avons donc constaté un certain intérêt et les provinces sont sur le point de signer des accords, comme la Colombie-Britannique, qui y est presque, le Manitoba qui montre de l'intérêt. Nous savons qu'il y a des provinces de l'Atlantique. Je veux que le plus grand nombre possible de provinces obtienne cet avantage afin que les gens vivent mieux avec cette aide», a souligné M. Singh.

Pierre Poilievre a qualifié de «radicale» l’idée d’assurance-médicaments et a soutenu qu’elle empêcherait les gens d’utiliser leurs régimes d’assurance-médicaments privés.

Lorsqu’on lui a demandé s’il comptait attendre la conclusion d’au moins quelques accords avant de déclencher une élection, le chef du NPD est passé à l’offensive.

«Je pense que M. Poilievre a été très clair, et c’est un choix que les gens doivent faire. Il veut réduire l’assurance-médicaments. Il ne veut pas que les gens obtiennent des contraceptifs gratuits. Il ne veut pas que les gens obtiennent des médicaments gratuits contre le diabète. Il ne pense pas qu’ils en valent la peine. Je pense que ces gens en valent la peine», a soutenu M. Singh.

La menace américaine

Les troubles politiques intérieurs actuels sont alimentés par une menace encore plus grande pour le Canada venant du sud de la frontière: le président élu Donald Trump a promis d’imposer un tarif de 25 % sur les produits canadiens.

À l’origine, cette menace était fondée sur les réflexions du républicain sur l’immigration illégale et le trafic de drogue à la frontière, mais il a depuis suggéré que les États-Unis «subventionnaient» le Canada en matière de commerce.

Donald Trump a pris l’habitude de qualifier le premier ministre de «gouverneur Trudeau» du «51e État».

Jagmeet Singh croit fermement que le Canada devrait adopter des mesures de rétorsion tarifaire, comme il l’a fait lors de la dernière présidence Trump, lorsque ce dernier a imposé des droits de douane sur l’acier et l’aluminium canadiens. Pour lui, les tactiques de Donald Trump représentent une «intimidation économique».

«Nous devons nous assurer qu’ils savent qu’il y a un coût à s’attaquer au Canada. Cela va nuire à leur économie autant qu’à nous, nous devons donc être prêts à nous battre. Nous devons nous battre pour protéger les emplois canadiens. Nous devons nous battre comme des diables et montrer que nous sommes sérieux dans notre combat. Je pense que c’est la seule façon de s’attaquer à un tyran», a-t-il martelé.

Inquiet du climat politique

Alors que le Canada se prépare à une scène géopolitique de plus en plus conflictuelle l’année prochaine, 2024 a été caractérisée par des menaces accrues à la sécurité des politiciens canadiens, dont celle de Jagmeet Singh.

Plus tôt cette année, le néo-démocrate a eu une altercation avec quelques manifestants sur la Colline du Parlement. Cela a en partie conduit à un renforcement de la sécurité dans l’enceinte.

Entrer dans la vie publique n’est jamais sans risque, mais M. Singh affirme que le climat actuel rend plus difficile de trouver des personnes prêtes à présenter leur candidature.

Vingt des 25 députés en exercice du NPD ont actuellement l’intention de se présenter à nouveau, mais le parti n’a nommé que 40 candidats supplémentaires. Il y aura 343 sièges à pourvoir à la Chambre des communes.

«Je m’inquiète du climat politique où il ne faudrait pas être prêt à se battre contre l’intimidation et à tenir tête à ce genre de personnes pour entrer dans le monde de la politique», a déclaré M. Singh.

Bien que M. Singh ait déclaré qu’il laisserait les solutions de sécurité aux experts dans ce domaine, sa solution pour ses collègues politiciens s’inscrit dans l’esprit de la période des Fêtes. Selon lui, même si le désaccord est sain, il revient aux députés de prendre position, d’atténuer la rhétorique et de dire que ce genre de menaces et d’intimidation n’est pas acceptable.

David Baxter, La Presse Canadienne

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