«Ils ne se soucient pas de nous»: du personnel carcéral subit de la détresse morale


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Loin d'exercer un métier facile, des agents correctionnels ont tiré la sonnette d'alarme sur la détresse morale qu'ils peuvent ressentir face à des cas d'intimidation ou de menaces dans leur contexte de travail, révèle une récente étude.
Les agents correctionnels dans les prisons pour adultes sont responsables de la gestion, du contrôle et de la sécurité des personnes en détention.
S'ils peuvent parfois s'attendre à des comportements inadéquats des détenus, les agents peuvent aussi en vivre de la part de leurs collègues ou de leurs supérieurs, a remarqué Michelle Brend, professeure adjointe à l'École de travail social et de criminologie de l'Université Laval.
«Il y a plusieurs personnes qui ont signalé qu'il y a un grand problème au sujet de leur bien-être», a-t-elle expliqué après s'être penchée sur ce problème dans une étude.
En sondant 77 agents correctionnels, elle a constaté que 30 d'entre eux ont fait part dans des commentaires d'un système qui est brisé, où peu de suivi est parfois réalisé après des événements jugés traumatisants.
«D'après ce que j'ai vu au travail, la pression la plus forte sur la santé mentale du personnel ne vient pas des détenus, mais de la direction», a notamment témoigné un agent dans le contexte de l'étude.
«Le personnel est agressé quotidiennement et il n'y a jamais de changement. (...) Ils ne se soucient tout simplement pas de nous», a raconté un autre.
Une personne a également relaté que des pairs peuvent se moquer si quelqu'un n'est pas capable de gérer quelque chose. Elle a mentionné qu'un responsable l'avait menacée d'envoyer des détenus chez elle pour la tuer.
À cela s'ajoutent l'exposition aux violences entre détenus, les gestes de suicide ou de mutilation, a rappelé Mme Brend.
«C'est une partie de ce travail qui est tellement difficile de témoigner de la souffrance d'un autre être humain», a souligné la professeure.
La détresse morale est aussi parfois plus présente chez des personnes qui font partie d'une minorité.
Un virage à opérer
Dans sa recherche, Mme Brend a noté que plusieurs participants ont fait remarquer que certaines politiques les empêchent d'agir au mieux de leurs intérêts, créant de l'impuissance.
«On n'a pas vraiment instauré une culture qui est sensible au trauma, c'est là où l'on a du travail à faire», a-t-elle indiqué.
Plus qu'un changement de pratique, c'est un «changement philosophique» qu'il faudrait réaliser pour avoir un avancement dans les prisons.
Cela peut passer par l'accompagnement pour aider à faire face aux traumatismes et plus de soutien en santé mentale, mais aussi fournir des outils pour venir en aide aux détenus.
Si la vapeur n'est pas renversée, la professeure estime que la détresse morale des agents correctionnels peut aussi avoir des impacts plus vastes, comme un plus grand roulement du personnel ou encore des coûts élevés de congés maladie.
«On a des personnes d'excellence au Canada, mais on n'a pas un système qui marche avec tous les morceaux ensemble dans le même sens», a avancé Mme Brend.
Audrey Sanikopoulos, La Presse Canadienne