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Élections Canada veut protéger les investitures de l'ingérence étrangère

durée 11h22
19 juillet 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Élections Canada suggère des changements possibles pour protéger le processus de nomination politique de l'ingérence étrangère, notamment en interdisant aux non-citoyens de prendre part au choix des candidats, en exigeant que les partis publient les règles du suffrage et en interdisant explicitement des pratiques telles que voter plus d'une fois.

L'agence électorale fédérale présente les mesures proposées dans un guide de discussion destiné à aider le directeur général des élections, Stéphane Perrault, à rédiger des recommandations finales qui seront soumises, plus tard cette année, à une commission d'enquête sur l'ingérence étrangère.

«Nous reconnaissons que certains changements peuvent créer un fardeau pour les entités politiques ou affecter les politiques internes, indique le guide de discussion. Nous croyons que le gain est important: des courses à l'investiture dans lesquelles les électeurs ont confiance et moins de possibilités d'irrégularités dans les élections qui amènent les Canadiens à remettre en question la légitimité des députés élus.»

La Presse canadienne a utilisé la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir le guide et une note d'information du 30 mai associée à M. Perrault.

Le guide a été préparé pour une réunion prévue en juin du Comité consultatif des partis politiques, un forum permettant aux partis enregistrés de rencontrer le directeur général des élections sur la conduite des élections, l'administration de la Loi électorale du Canada et des questions liées au financement politique.

Il note que lors de l'assemblée générale annuelle du comité en septembre dernier, il y avait «peu d'appétit pour des changements» à la réglementation des courses à l'investiture.

Cependant, début mai, un rapport intermédiaire de l'enquête fédérale sur l'ingérence étrangère, dirigée par la juge Marie-Josée Hogue, a signalé que les courses à l'investiture étaient une porte possible à l'ingérence.

Dans ce contexte, le directeur général des élections «a l'obligation d'envisager des moyens de renforcer la transparence et la sécurité des courses à l'investiture», précise le guide.

Des lacunes faciles à exploiter

Un rapport publié au début du mois dernier par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a exprimé son inquiétude quant à la facilité avec laquelle les acteurs étrangers peuvent profiter des lacunes et des vulnérabilités pour soutenir leurs candidats préférés.

«Il s'agit d'une grande lacune, car un certain nombre de circonscriptions au Canada sont considérées comme des sièges sûrs pour un parti ou un autre, de sorte qu'une nomination réussie peut équivaloir à l'élection d'un candidat», prévient le rapport.

La note d'information adressée à M. Perrault souligne que la Loi électorale du Canada fournit actuellement une «réglementation limitée» des courses à l'investiture fédérale et des candidats.

Par exemple, seuls les candidats qui acceptent 1000 $ de contributions ou engagent 1000 $ de dépenses doivent produire un rapport financier. Élections Canada n'a aucun moyen de vérifier que les campagnes sont inférieures au seuil.

En outre, la loi n'inclut pas d'obligations spécifiques concernant la candidature, le vote, le dépouillement ou la communication des résultats autres que l'identité du candidat retenu.

Transparence et renforcement du processus de vote

Les «idées préliminaires à discuter» se répartissent en deux catégories: renforcer le processus de vote des nominations et améliorer la transparence du financement politique, indique le guide de discussion.

Un changement clé exigerait que les électeurs des courses à l’investiture soient citoyens canadiens, un peu comme c’est le cas pour les conditions d’éligibilité aux élections. «Les non-citoyens peuvent être plus vulnérables à l'intimidation de la part d'un État étranger», soulève le guide.

Permettre l’accès aux listes électorales actuelles pourrait aider à vérifier l’éligibilité.

Une autre proposition limiterait le vote dans les courses à l'investiture aux citoyens ou aux résidents permanents.

D’autres recommandations possibles incluent :

— obliger les partis à publier les règles de la course à l'investiture, y compris qui peut être candidat, qui peut voter, les exigences d'identification des électeurs, le processus de vote et la manière de contester le résultat ;

— exiger des partis qu'ils publient des résultats de vote plus complets, tels que le nombre de bulletins de vote déposés et la répartition des voix ;

— l'interdiction explicite de pratiques telles que l'incitation d'une personne non qualifiée à voter, l'intimidation visant à inciter quelqu'un à voter, l'offre ou l'acceptation d'un pot-de-vin lié au vote et le vote multiple ;

— exiger que tous les candidats à l'investiture déposent un rapport financier;

— et interdire l’achat d’adhésions à un parti en gros ou en utilisant les fonds de la campagne.

Le guide souligne que les partis auraient toujours la possibilité de sélectionner un candidat sans tenir de course à l'investiture. «Les recommandations ne s'appliqueraient que lorsqu'un suffrage est organisé.»

Élections Canada n'a pas immédiatement répondu aux questions sur l'état des consultations et les projets de soumission à l'enquête fédérale.

La note d'information adressée à Stéphane Perrault suggère d'apporter une modification législative qui obligerait les partis à disposer d'un ensemble de règles accessibles au public pour les courses à l'investiture. Le commissaire aux élections fédérales pourrait jouer un rôle de surveillance, voire imposer des amendes en cas de non-conformité.

Une autre option serait de «laisser aux partis le soin de s’autoréglementer», ce qui est actuellement le cas pour les politiques de confidentialité des partis.

Une question centrale est de savoir si Élections Canada réglementerait les courses à l'investiture avec des règles similaires à celles qui régissent les élections fédérales, traitant de choses comme le personnel électoral, l'identification et le dépouillement des bulletins de vote.

«Ce serait clairement un projet gigantesque pour l'agence et ce n'est pas une option privilégiée», indique la note d'information. «Une telle approche rencontrerait probablement également une forte résistance de la part des parties.»

Jim Bronskill, La Presse Canadienne