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Droits de douane automobile: la ville de Flint, au Michigan, retient son souffle

durée 09h33
12 avril 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

FLINT — L'inquiète règne à Flint, au Michigan, l'un des berceaux de l'industrie automobile aux États-Unis.

La source de ce nouveau malaise ? Les récents droits de douane imposés par le président américain Donald Trump.

M. Trump et ses alliés soutiennent que les nouveaux droits douaniers imposés au Canada et au Mexique sur les véhicules permettront d'augmenter les emplois au Michigan, mais des experts craignent plutôt qu'ils mettent à mal l'ensemble de l'industrie nord-américaine, car les véhicules coûteront trop cher pour les consommateurs.

«Quelqu’un s’est endormi au volant», déplore l'un de ces citoyens inquiets, Maurice Pope.

En plus des droits de douane sur les voitures imposées aux voisins les plus proches des États-Unis, les véhicules nécessitent de l’acier et de l’aluminium. Une grande partie est importée du Canada, que Trump a frappé de droits de douane de 25 %.

Le Michigan n’échappera pas non plus aux répercussions des droits de douane universels de 10 % sur les produits étrangers et de 145 % sur les importations chinoises.

M. Pope ne comprend pas la stratégie de l'administration Trump qui pourrait écraser le marché automobile nord-américain profondément intégré, et il s’interroge même s’il y en a une.

«Les gens ne font pas ce qu’ils doivent faire en matière de recherche et de compréhension de l’impact», soutient-il.

Des milliers de personnes travaillent encore à l'usine d'assemblage de Flint, la plus ancienne d’Amérique du Nord. Au sein de la communauté, beaucoup de gens espèrent que les tarifs douaniers entraîneront la création d'environ 79 000 emplois dans la ville. D’autres craignent que, si les usines ferment ou que les entreprises réduisent la main-d’œuvre, les gens partent.

Le président du syndicat United Auto Workers, Shawn Fain, qui n'a jamais été un grand défenseur du libre-échange, a exprimé jeudi son inquiétude sur les mesures commerciales de l'administration Trump qu'il juge «téméraires et chaotiques». Il a notamment déclaré qu'il n’appuyait pas l’utilisation de tarifs douaniers pour des gains politiques liés à l’immigration ou au fentanyl.

Près de 20 % de l’économie du Michigan est liée au secteur automobile.

Depuis le début du XXe siècle, l'essor de Flint et de la région de Détroit est directement lié à celle de l'industrie automobile. Chris Douglas, professeur d’économie à l’Université du Michigan-Flint, rappelle que les trois géants de l'industrie — Ford, General Motors (GM) et Chrysler, qui fait maintenant partie de Stellantis — contrôlaient à eux seuls environ 90 % du marché automobile américain au cours des années 1960.

«On pouvait obtenir son diplôme d’études secondaires, sortir de l’école secondaire, aller directement à l’usine automobile locale et obtenir un emploi bien rémunéré pour le reste de sa vie, raconte-t-il. C’était un travail difficile, c’était un sale boulot, mais il permettait d'acheter une maison, d'envoyer ses enfants à l’université, d'acquérir peut-être un bateau ou un chalet.»

À une époque, General Motors employait environ la moitié de la population de Flint.

De l’autre côté de la frontière, le secteur canadien de l’automobile travaillait déjà en tandem avec celui du Michigan. L’intégration s’est approfondie à la suite de l'Accord canado-américain sur les produits de l'industrie automobile, mieux connu sous le nom de Pacte de l'automobile, signé en 1965 entre le Canada et les États-Unis.

Le Pr Douglas dit que l'industrie automobile a subi un premier choc dans les années 1970, lors de la crise énergétique. Plus les prix de l'essence augmentaient, moins les véhicules gourmands en carburant étaient populaires. Une «tempête parfaite», la première d'une longue série, a alors frappé l'économie du Michigan. Dans les années 1980, la popularité des autos japonaises, de meilleure qualité et plus économique à la pompe, a contraint les géants américains à licencier du personnel et à fermer des usines.

Si les syndicats ont reproché aux accords de libre-échange d'avoir sapé les fondements de l'industrie automobile, le Pr Douglas rappelle que son déclin s'est amorcé bien avant cette période. Et si certains emplois ont été perdus au profit du Mexique, d'autres usines ont été transférées vers d'autres États américains, comme le Kentucky ou le Tennessee.

L'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) a été conclu sous la première administration Trump. Il comprend des mesures de protection pour l’industrie automobile.

Alan Deardorff, professeur émérite d’économie et de politique publique à l’Université du Michigan, craint qu'en imposant des droits douaniers, M. Trump a contribué à la mort de cette entente.

Pour le Pr Douglas, même si les nouveaux droits douaniers permettront le retour d'un certain nombre d'usines aux États-Unis, il ne croit pas que le secteur automobile pourrait procurer autant d'emplois que jadis.

Il explique que la production automobile devient de plus en plus automatisée. «On n’a tout simplement pas besoin d’autant de gens qui travaillent dans une usine pour produire une voiture maintenant par rapport à 1970.»

Il soutient que, si les droits de douane visant le Canada et le Mexique restent en place, il deviendra plus cher de fabriquer un véhicule aux États-Unis.

Anderson Economic Group, une société de conseil du Michigan, a estimé plus tôt ce mois-ci qu’un supplément de 5000 $ US pourrait être ajouté aux voitures américaines les moins chères et jusqu’à 12 000 $ US pour les véhicules utilitaires sport (VUS).

«Le consommateur américain sera à un moment donné simplement épuisé», selon M. Douglas.

Le Canada achète également beaucoup de véhicules des États-Unis, mais les droits de douane de rétorsion d’Ottawa, en réponse à ceux de M. Trump, pourraient contraindre les constructeurs automobiles américains à devoir trouver des clients sur de nouveaux marchés, mais qu’il y a aussi un coût à cela, note le Pr Deardoff.

Kelly Geraldine Malone, La Presse Canadienne

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