Des veillées pour le 35e anniversaire des assassinats antiféministes à Polytechnique
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Bravant un vent hivernal mordant, des dignitaires se sont rassemblés vendredi devant le campus principal de Polytechnique Montréal pour rendre hommage aux 14 femmes tuées à l'école de génie lors d'une attaque antiféministe il y a 35 ans.
Parmi ceux qui ont déposé silencieusement des fleurs blanches au pied d'une plaque commémorative se trouvait Louis Courville, qui était directeur par intérim de l'école en 1989.
«Je suis content qu'il y ait beaucoup de gens qui n'ont pas oublié ce qui s'est passé, a expliqué M. Courville, âgé de 90 ans, après la cérémonie. En même temps, c'est le souvenir d'une chose très triste, horrible.»
Les femmes assassinées en 1989 se nommaient Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault, Annie Turcotte et Barbara Klucznik-Widajewicz.
Treize autres personnes ont été blessées dans l'attaque perpétrée par Marc Lépine, qui s'est donné la mort. Il s'était insurgé contre les féministes qui lui gâchaient la vie.
Louis Courville était dans son bureau lorsque les coups de feu ont commencé et tout ce qu'il entendait, c'était une pluie de balles. Il a présumé qu'un groupe armé avait assiégé l'école. «Je ne pouvais pas penser qu'il s'agissait d'une seule personne. J'ai essayé de comprendre, qu'est-ce qu'ils allaient me demander? Est-ce que je vais devoir négocier quelque chose?», s'est-il souvenu.
«Mais Marc Lépine ne venait pas pour négocier», a ajouté M. Courville. Dans les jours et les semaines qui ont suivi, lui et sa femme Jeanne Dauphinais ont parcouru la province pour rencontrer les familles des victimes.
La présidente de Polytechnique Montréal, Maud Cohen, a affirmé vendredi qu'il y avait un devoir de tirer des leçons de ce qui s'est passé. «Nous devons nous souvenir de ces jeunes filles qui ont perdu la vie: il y avait 13 étudiantes, une employée», a déclaré Mme Cohen aux journalistes.
«Il s'agit de s'assurer que tout le monde peut avoir une voie à suivre, a-t-elle ajouté. Il s’agit de faire en sorte que tout le monde, et plus particulièrement les femmes le 6 décembre, se sente bien accueilli, qu’elles puissent s’épanouir et qu’elles puissent vraiment profiter d’un endroit où elles peuvent réaliser leurs rêves.»
Mathieu Thibault, étudiant en quatrième année de génie civil à Polytechnique, a été frappé par la tragédie du 6 décembre dès son plus jeune âge. Sa mère était à l’école ce soir-là et est partie alors que tout le monde se précipitait hors du bâtiment. Ses deux parents ont obtenu leur diplôme de l’école.
M. Thibault a grandi en entendant parler de doubles standards et de sexisme au travail, et dès son admission à l’université, il a rejoint un groupe qui milite pour que plus de femmes exercent la profession d’ingénieur.
«C’est un moment lourd, vous savez, il est temps de réfléchir à la façon dont nous agissons : où en sommes-nous dans la société ?, a expliqué Thibault. Et cette année en particulier, j’ai l’impression que c’est la 35e année, mais c’est aussi une année où nous avons vu une certaine montée de la masculinité toxique.»
Mme Cohen a déclaré qu'elle craignait que les atteintes aux droits des femmes aux États-Unis puissent s'infiltrer au Canada.
«Je me demande si les droits dont je dispose actuellement seront les mêmes que ceux dont bénéficiera la prochaine génération de femmes, a ajouté Maud Cohen. Je pense que nous avons toutes la responsabilité, pas seulement nous les femmes, mais aussi les hommes qui nous entourent, de veiller à ce que cela n'arrive à aucun groupe, en particulier aux femmes.»
Un 15e faisceau lumineux
Le premier ministre Justin Trudeau a publié une déclaration vendredi décrivant les 14 femmes tuées comme «des étudiantes talentueuses, des filles et des sœurs bien-aimées et l'avenir du Canada. Leurs vies ont été tragiquement écourtées simplement parce qu'elles étaient des femmes.»
«Alors que nous nous souvenons des victimes de cet acte haineux et lâche, nous nous rappelons également que, pour de nombreuses femmes, filles et personnes de diverses identités de genre, la misogynie violente qui a conduit à cette tragédie existe toujours», a ajouté Justin Trudeau.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a rappelé à l'occasion de cet anniversaire que «cette brutalité est considérée comme l'une des pires attaques contre les femmes et contre les valeurs qui nous unissent».
«La promesse du Canada est celle d'une liberté, d'une sécurité et d'opportunités garanties pour tous, quel que soit leur sexe ou leur origine, a déclaré M. Poilievre dans un communiqué. Toute forme de violence contre les femmes est totalement inacceptable.»
Pour le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, l'attentat est un drame d’une violence inouïe porté par une intention terrible dont le nombre des années ne parvient pas à soulager la plaie. «Notre devoir citoyen est de parler d’une voix forte, humaine, inquiète, et notre devoir de législateurs est d’agir avec responsabilité, sévérité mais compassion et sagesse aussi pour ne plus jamais recommencer un compte de 35 ans de souffrances», a-t-il écrit sur X.
À 17 h 10 vendredi, heure exacte des premiers coups de feu, 14 faisceaux de lumière doivent illuminer le ciel au-dessus du mont Royal, allumés un à la fois pendant que les noms des 14 victimes sont lus. Pour la première fois cette année, un 15e faisceau sera ajouté en mémoire de toutes les victimes de féminicide.
Les familles des victimes seront présentes à la cérémonie aux côtés de M. Trudeau, premier ministre du Québec François Legault et la mairesse de Montréal Valérie Plante.
Des veillées et d'autres événements sont prévus à Montréal et partout au pays pour souligner cet anniversaire.
«Trente-cinq ans plus tard, nous devons encore réitérer que les femmes ont le droit de vivre sans peur, de suivre leurs aspirations et de réaliser leurs rêves, a déclaré Mme Plante dans un communiqué vendredi. Chaque pas vers l'égalité profite à l'ensemble de la société.»
Sidhartha Banerjee, La Presse Canadienne