Des microbulles guidées par ultrasons pourraient attaquer le cancer
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Des microbulles guidées par ultrasons pourraient être utilisées pour améliorer l'efficacité des traitements d'immunothérapie face au cancer, ont constaté des chercheurs des départements de biologie et de physique de l'Université Concordia.
Plus précisément, les chercheurs ont découvert que ce processus peut favoriser la libération de plus de 90 types de cytokines, des molécules qui sont essentielles à la réponse immunitaire.
«(Les lymphocytes T) deviennent comme fatigués ou léthargiques, a dit l'auteur responsable de la supervision de l'étude, le professeur Brandon Helfield. Ils ne fonctionnent plus. Avec ce processus, on peut leur donner un regain d'énergie.»
La technologie des microbulles ― des bulles qui mesurent un millionième de mètre ― guidées par ultrasons n'est pas nouvelle, puisqu'elle est déjà largement utilisée en imagerie médicale et lors de l'administration de médicaments. En imagerie, par exemple, les vibrations produites par les microbulles sous l'influence des ultrasons permettent d'obtenir des images plus nettes.
On a toutefois constaté, depuis une quinzaine d'années, que ces microbulles peuvent aussi avoir un effet thérapeutique, a dit le professeur Helfield.
Cette fois, ses collègues et lui ont voulu savoir si la technologie pouvait se révéler utile pour combattre des tumeurs solides ― par exemple face à un cancer du cerveau ou du foie ― qui sont plus résistantes à l'immunothérapie que les cancers du sang.
Ces tumeurs sont en effet en mesure «d'endormir» les lymphocytes T qui les attaquent, a expliqué le chercheur, ce qui les rend nettement moins efficaces. Mais avec des microbulles guidées par ultrasons, a-t-il poursuivi, il semble possible de donner un regain d'énergie à ces cellules, un peu comme une batterie de voiture qu'on recharge par un matin d'hiver glacial.
Les détails techniques de la procédure sont très complexes, mais lorsque les microbulles sont touchées par les ultrasons, elles commencent à vibrer à une fréquence très élevée. Ces vibrations exercent une poussée sur la paroi des membranes des lymphocytes T, qui commencent alors à sécréter les cytokines nécessaires à la croissance de nouvelles cellules immunitaires et sanguines.
Encore plus prometteur, les chercheurs ont mesuré une diminution de certaines cytokines qui pourraient autrement favoriser la croissance des tumeurs et une augmentation des cytokines qui appellent le système immunitaire au combat.
Ce processus n'endommage nullement les cellules immunitaires.
«Nous avons démontré ici que les ultrasons focalisés assistés par des microbulles modulent les cellules immunitaires à la fois en termes d'amélioration de la perméabilité de la membrane cellulaire et de sécrétion de cytokines et de chimiokines pro-immunes, écrivent les chercheurs.
«L'ensemble de ces données suggère que la modulation des cellules immunitaires humaines par les ultrasons focalisés à l'aide de microbulles peut modifier les concentrations locales de sécrétions clés susceptibles d'améliorer l'efficacité de l'immunothérapie contre le cancer.»
Bien que la recherche n’en soit qu’à un stade préliminaire et que ces résultats n’aient été obtenus qu’en laboratoire, les auteurs espèrent que ces travaux permettront d’approfondir leur compréhension des différentes voies empruntées par les substances chimiques du système immunitaire pour lutter contre le cancer.
De plus, ils croient que cette avenue de recherche viendra améliorer et compléter les traitements anticancéreux et les thérapies cellulaires existants, même s'ils concèdent qu'une application clinique n'est pas pour demain.
«Il nous en reste encore beaucoup à apprendre, mais au moins nous avons démontré que les lymphocytes T peuvent être influencés par les ultrasons et les microbulles», a conclu le professeur Helfield.
Les conclusions de cette étude, dont l'auteure principale est la doctorante Ana Baez, ont été publiées par le journal médical Frontiers in Immunology.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne