Des experts guettent la façon dont le début de mandat de Trump influencera le Canada
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Par La Presse Canadienne, 2024
WASHINGTON — La nouvelle année verra le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et déclenchera une nouvelle vague d'anxiété alors que le Canada se prépare au programme perturbateur du républicain et aux menaces imminentes de tarifs douaniers importants.
Il est de tradition depuis longtemps que le président entrant ait un plan ambitieux de 100 jours. Les républicains affirment que les Américains, qui ont élu M. Trump et donné aux législateurs républicains une majorité au Congrès, ont approuvé le mandat.
«Il est censé y avoir une série de décrets exécutifs prêts pour le premier jour», a affirmé Christopher Sands, directeur de l'Institut canadien au Woodrow Wilson Center à Washington.
M. Trump a dit qu'il ne serait pas un dictateur, «sauf le premier jour». La grande question est de savoir ce que contient le paquet pour le premier jour de retour de M. Trump et comment cela affectera le Canada.
Le président élu a indiqué en novembre qu'au sommet de ses plans se trouve un décret exécutif prévoyant un tarif de 25 % sur tous les produits entrant aux États-Unis en provenance du Canada et du Mexique.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux quelques semaines après l'élection, M. Trump a déclaré que les droits de douane resteraient en place jusqu'à ce que les deux pays empêchent les drogues et les personnes de traverser illégalement les frontières. En réponse, Justin Trudeau s'est rendu en Floride pour un souper avec M. Trump et son équipe à Mar-a-Lago, mais le premier ministre est reparti sans aucune assurance que le Canada obtiendrait des exemptions.
Le Canada a ensuite annoncé une série de mesures pour renforcer la frontière avec un programme de 1,3 milliard $ en réponse à la menace de M. Trump.
M. Sands a déclaré qu'il surveillerait la réponse du Congrès et du monde des affaires si les droits de douane sont adoptés. Les décrets exécutifs peuvent être contestés devant les tribunaux et de nombreuses industries américaines, en particulier le secteur automobile, seraient dévastées par les droits de douane.
Il est peu probable que le Congrès se batte contre M. Trump, a indiqué M. Sands, mais il y a une limite. Et cela pourrait être préjudiciable aux accords commerciaux et au portefeuille des Américains.
«Le frein ultime à tout cela : que le public n'aime pas l'impact des droits de douane», a dit M. Sands. «Ils se plaignent au Congrès. Le Congrès récupère des pouvoirs ou dit "non"… C’est le dernier espoir du Canada.»
Des menaces d'expulsion
Au-delà de la menace de taxes, M. Trump a fait campagne sur une série de promesses dès son retour. Il a promis des changements structurels, le licenciement potentiel de milliers d’employés fédéraux, la réduction des protections environnementales et a déclaré qu’il voulait «forer, forer, forer» dès le premier jour.
Le président élu s’est également engagé à lancer une déportation massive de migrants.
Après la victoire de M. Trump en 2016, des milliers de personnes craignant les menaces initiales d’expulsion du républicain ont commencé à se diriger vers le nord en traversant la frontière entre les États-Unis et le Canada. Les responsables canadiens et les forces de l’ordre se préparent au cas où il y aurait à nouveau une vague de personnes.
Il faut résister à l’attrait du délai de cent jours, a affirmé Alasdair Roberts, professeur de politique publique à l’Université du Massachusetts, à Amherst.
«La philosophie du gouvernement est que si vous ne pouvez pas obtenir ce que vous voulez dans la première phase de votre administration, alors vous vous enliserez après cela», a expliqué M. Roberts, ajoutant qu’il est peu probable que les présidents fassent tout ce qu’ils ont promis dans ce délai.
M. Roberts soupçonne qu’il y aura une action rapide sur l’immigration, même si tout type d’expulsion massive prendra du temps. Il s’attend également à des réformes administratives, notamment quelque chose comme le «Schedule F», qui transforme les fonctionnaires de carrière en personnes nommées par le pouvoir politique, plus faciles à licencier et à embaucher.
L'expérience du premier mandat
Ce n’est certainement pas la première fois que M. Trump est confronté à une longue liste de promesses de campagne ambitieuses. Lorsqu’il s’est présenté à la présidence en 2016, il s’est engagé à renégocier immédiatement les accords commerciaux et à expulser des immigrants.
Bien que l’accord de libre-échange nord-américain ait été renégocié pendant la première administration Trump, remplacé par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, cela n’a pas été immédiat. Et les efforts initiaux du républicain en matière d’expulsion et d’interdiction de voyager en provenance de pays à majorité musulmane se sont heurtés à de nombreux obstacles.
La principale promesse de M. Trump de 2016 d’abroger et de remplacer la loi sur la santé du président démocrate Barack Obama a échoué de manière notoire, n'ayant pas réussi à obtenir le feu vert du sénateur républicain John McCain.
M. Roberts a déclaré qu’une seule des lois promises par M. Trump avait été présentée au Congrès en avril 2017 et qu’elle n’avait pas été adoptée.
«Ce n’était pas vraiment un blitz législatif, même si le parti de M. Trump contrôlait les deux chambres du Congrès», avait déjà noté M. Roberts dans un article pour The Wilson Quarterly.
Les six premiers mois de l’année verront une forte poussée en faveur du changement, a déclaré M. Roberts. Mais, a-t-il averti, «les Canadiens devraient se méfier de la rhétorique».
Le président élu revient pour le deuxième tour après avoir appris des obstacles précédents. Son équipe est préparée et farouchement loyale.
Les républicains du Sénat se sont réunis pour jeter les bases de l’ambitieux programme législatif. Les possibilités comprennent les politiques prioritaires en matière d’énergie, de sécurité des frontières et de défense qui pourraient être approuvées dans les 30 premiers jours de la présidence de M. Trump.
Le Congrès à majorité républicaine se réunira le 3 janvier. Le Sénat s’attend à ce que les audiences de confirmation des principaux candidats au cabinet de M. Trump commencent rapidement. Matthew Lebo, spécialiste de la politique américaine à l’Université Western de London, en Ontario, a déclaré que cela indiquerait si des républicains sont prêts à tenir tête au président élu.
Certains des candidats choisis par M. Trump, notamment le présentateur de Fox News Pete Hegseth au poste de secrétaire à la Défense et l’ancienne représentante Tulsi Gabbard au poste de directrice du renseignement national, ont rencontré de la résistance.
M. Lebo a affirmé qu’il surveillerait si les législateurs suivent leur jugement moral et rompent avec M. Trump – ou s’ils se pincent le nez et approuvent les choix du président élu.
«Est-ce que toutes les barrières de sécurité sont vraiment levées ?», a demandé M. Lebo.
— Avec des informations de l’Associated Press
Kelly Geraldine Malone, La Presse Canadienne