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Des chercheurs préparent une nouvelle colle médicale faite à partir de déchets marins

durée 09h00
3 août 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Des chercheurs de l'Université McGill ont préparé une nouvelle colle médicale faite à partir de déchets liés à la pêche des crustacés. Cette nouvelle colle, en plus d'être très résistante, permet de revaloriser des matériaux qui seraient autrement jetés.

Les chercheurs ont trouvé une nouvelle application possible au chitosane, un dérivé de la chitine, un composé provenant notamment de la carapace des crustacés.

«Le chitosane est un matériau avec des propriétés extraordinaires. C’est antibactérien, c’est soluble dans l'eau, donc on peut le mouler sous différentes propriétés. C'est aussi un matériau biocompatible», a indiqué Audrey Moores, professeure au département de chimie de l’Université McGill.

«On savait déjà que le chitosane pouvait servir à faire de la colle moléculaire, mais nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on l'a nanotexturé», a-t-elle précisé.

Mme Moores a indiqué qu'ils ont découpé le chitosane en petits morceaux avec une structure très définie en «moustache», en faisant un matériau avec une très grande longueur et une petite largeur, comme une petite épine, à l'échelle nanométrique.

«Et ce matériau-là, on s'est rendu compte qu'il avait des propriétés extraordinaires pour servir de colle, parce que sous certaines conditions, il fait une colle qui tient, qui résiste beaucoup mieux que tous les autres nanomatériaux qui ont été essayés et beaucoup d'autres polymères qui ont été essayés. Donc, c'est pour ça qu'on est excités par cette découverte», a affirmé la professeure.

La colle médicale sert à refermer la peau ou à attacher quelque chose à la peau. Si le chitosane était déjà valorisé dans certaines applications biomédicales, le nanochitosane est un nouveau matériau.

«Le fait de le texturer comme ça, d'en faire ces longues épines de taille nanométrique, ça, c'est très nouveau», a fait valoir Mme Moores.

La recherche est issue d'une collaboration entre la professeure Moores, le professeur au département de génie mécanique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en réparation et régénération des tissus, Jianyu Li, ainsi qu'Edmond Lam, du Conseil national de recherches Canada.

Mme Moores et son équipe ont constaté lors de leurs recherches qu'en mettant de la colle qu'ils ont préparée sur un morceau de peau, sur laquelle ils ont ajouté une sorte de pansement, il faut beaucoup d'énergie pour l'arracher.

«On a essayé d'enlever le pansement plein de fois. Donc on a tiré dessus 10 000 fois, et on a réalisé que le pansement il ne bouge pas après 10 000 fois, alors qu'il y a des pansements qui vont craquer à ce moment-là, il y a des colles qui vont craquer à ce moment-là, parce qu'à force de tirer dessus, on finit par créer une petite fracture et la fracture se répand», a-t-elle détaillé.

La professeure indique que cette colle pourrait avoir des applications intéressantes, comme dans le cas d'une blessure au genou.

«Admettons qu'on a une blessure au genou, et que le genou se plie et se détend de multiples fois. C'est un exemple de problème dans lequel on veut avoir une colle qui résiste beaucoup au fait d'être tirée de multiples fois», a-t-elle affirmé.

Mme Moores a affirmé que le fait d'utiliser le chitosane permettrait de valoriser des déchets liés à la pêche des crustacés et d'offrir un autre revenu aux pêcheurs.

«L'industrie des crustacés qu'on pêche en grande quantité, notamment au Québec et dans les Maritimes, en fait génère quand même beaucoup de déchets», a dit la professeure, citant l'exemple d'une carapace de homard qui ne peut pas être mangée.

«Ces matériaux-là, ils sont la plupart du temps jetés. Souvent, ils sont compostés, donc on peut en faire des engrais, mais la plupart du temps, ce n’est quand même pas valorisé pour des applications à haute valeur ajoutée», a-t-elle précisé.

À quand une application sur les humains?

Il reste cependant plusieurs étapes avant que cette colle puisse être utilisée sur des humains.

Lors de leurs recherches, Mme Moores et son équipe ont travaillé sur de la peau de porc, sur laquelle ils ont démontré que la colle s'attachait. Pour la suite, il serait nécessaire de faire des études «in vivo», a précisé la professeure, en faisant notamment des chirurgies sur des animaux pour voir si la colle s'attache sur des organes, par exemple.

«Ça, c'est vraiment l'objet de beaucoup de recherches, être capable, par exemple, d'attacher des choses sur un cœur qui bat, qui est en mouvement. On pense qu'avec les propriétés d'adhésion et de résistance à la fatigue de notre colle, on devrait être capable de pouvoir faire ça», a fait valoir Mme Moores.

«Ce sera des étapes subséquentes pour pouvoir valider le concept dans des applications médicales à terme.»

Les professeurs Moores et Li ont présenté les conclusions de leurs recherches dans l'article «Nanowhisker glues for fatigue-resistant bioadhesion and interfacial functionalization», publié dans la revue Nature Communications.

Coralie Laplante, La Presse Canadienne

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