Bond anticipé des cas de démence aux États-Unis
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Jusqu'à un million d'adultes pourraient développer une forme de démence chaque année aux États-Unis d'ici 2060, prévient une nouvelle étude.
Les chercheurs de l'Université de New York prédisent que 42 % des adultes américains qui ont actuellement 55 ans ou plus développeront une forme ou une autre de démence d'ici la fin de leurs jours.
«Dans les études antérieures, on parlait d'un risque de 20 ou 25 %, donc ici on a doublé et ça, c'est très important», a commenté la titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neuroscience cognitive du vieillissement et plasticité cérébrale de l’Université de Montréal, la professeure Sylvie Belleville.
La démence est un terme très large qui englobe des troubles de la mémoire, du langage et/ou du raisonnement qui interfèrent avec le fonctionnement au quotidien.
Les auteurs de la nouvelle analyse ont suivi plus de 15 000 personnes pendant des années, voire des décennies, en utilisant différents outils pour repérer les cas de démence.
Si la hausse anticipée est essentiellement attribuée au vieillissement de la population, les chercheurs préviennent que certaines populations sont plus à risque que d'autres, notamment les femmes, les Noirs et les gens porteurs d'une variante génétique spécifique qui augmente le risque de maladie d'Alzheimer.
«Si l'espérance de vie a augmenté depuis trente ans, c'est logique que le risque de démence ait aussi augmenté, a dit la professeure Belleville. Le risque est très faible avant 75 ans, mais après 75 ans, il y a une augmentation assez fulgurante.»
Mais un risque plus élevé n'est pas une condamnation à l'inévitable, poursuit-on, puisque plusieurs facteurs de risque de la démence sont modifiables. Une amélioration de la santé cardiovasculaire et l'exercice physique, par exemple, peuvent atténuer ce risque.
Une récente étude a aussi indiqué qu'une perte d’audition pourrait accélérer le déclin cognitif qui accompagne la démence, et que le port d’un appareil auditif pourrait donc ralentir ce déclin.
Puis, l'été dernier, le plus récent rapport de la Commission permanente du journal médical The Lancet sur la prévention, l’intervention et les soins de la démence a ajouté une perte de vision non traitée et une hypercholestérolémie aux douze facteurs de risque précédemment identifiés, pour un total de quatorze.
L’adoption de mesures pour réduire l’impact de ces facteurs, souligne The Lancet, «pourrait potentiellement prévenir 40 % de tous les cas de démence».
Une audition et une vision en mauvaise santé réduiraient la stimulation du cerveau, ce qui pourrait augmenter le risque de démence. Cela pourrait également interférer avec les activités sociales de l’individu, et des recherches ont démontré que l’isolement est un facteur de risque pour la démence.
L’excès de cholestérol dans le cerveau est quant à lui associé à un risque accru d’accident vasculaire cérébral et au dépôt d’amyloïde ß et de tau dans le cerveau, suggérant un mécanisme potentiel pour le lien entre le cholestérol LDL et la démence.
«C'est un message très important pour la population, a dit Sylvie Belleville. Parfois, la peur nous fait bouger. On sait que plusieurs facteurs de risque sont liés au mode de vie, mais les gens ne seront pas toujours motivés à les changer. Mais à la fois l'espoir et la peur peuvent jouer un rôle dans notre changement de comportement.»
Pour les quinquagénaires, poursuit-elle, le moment d'agir est arrivé, puisque le risque de démence se concrétisera de plus en plus au cours des vingt-cinq ou trente prochaines années.
Il faut aussi garder en tête qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, et que, même après des décennies d'habitudes de vie moins qu'exemplaires, on peut intervenir pour maximiser nos chances de vieillir en santé.
«Et même quand on a un début de démence, les études démontrent que de faire de l'activité physique et d'avoir une vie sociale active, ça peut être favorable pour notre santé et notre parcours», a conclu Sylvie Belleville.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par Nature Medicine.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne